Était-ce parce que j'avais vu de Gaulle errer mélancoliquement sur des plages désertes et patauger sur des chemins ruisselants et boueux que je m'étais dit que l'Irlande était peut-être la clé, la quintessence de ce royaume ? L a certitude m'avait gagné que j'y trouverais un arrière-pays plus vaste, plus sauvage que celui que je connaissais, une terre primitive d'où tout ce qui m'entourait descendait. Je rêvais de lumières, d'espaces, de champs de tourbe, de murets qui couraient sur l'arête pelée des campagnes. De vestiges d'oratoires et de monastères aussi, de postes de vigie face au large, parce que je savais bien que c'était de là qu'étaient partis les ermites et les saints évangélisateurs. Les brumes, la vibration des éclaircies, un soleil lointain, froid et mouillé, c'était ce qu'il fallait sur ces cartes irréelles et qui n'auraient jamais d'existence que dans le désir ou le rêve, l'imaginaire secret des adorateurs des confins.