Philippe Nassif

Rien ou presque n'advient sinon ce mélange d'hystérie, de mollesse et d'ironie qui, désormais devenu banal, nous tient lieu d'indignation

Le joueur, en effet, nous arrache au pathos contemporain de la vie dans le simulacre. Vous savez : ces discours dits "postmodernes" nous répétant à l'envie que nos existences, désormais, sonnent faux. "Toute expérience réelle s'en est allée dans une représentation" (Guy Debord in La Société du spectacle). Nous avons procédé au "meurtre du réel" (Jean Baudrillard in Le Crime parfait). Et nous serions plus que des Particules élémentaires vouées à la Plate-forme (énonce Michel Houellebecq). Bref nous serions condamnées au nihilisme intime et à l'ironie branchée.

Or le joueur a un avantage sur la concurrence: il aime apprendre. Il sait que ce sont les règles bien comprises qui lui permettront de jouir du jeu. Partout ailleurs souligne Schiller, l'homme se sent brimé, empêché, frustré par les règles innombrables qui régissent les situations. Sauf dans le jeu.

Et Houellebecq, en prophète triste de la middle class planétaire, a pu remporter la mise en composant son grand roman intitulé Les Particules élémentaires - Atomized en anglais. Sténographiant ainsi le feeling mass démocratique d'une vie sur Terre désormais nue et déroutée. C'est le désarroi du sujet occidental enfin rendu "comme maître et possesseur de la nature", pour parler comme Descartes, et ainsi coupé de ses vivantes ressources