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Citation de Partemps


Je cherche l’or du temps » a-t-il [André Breton] fait écrire alchimiquement sur sa tombe :
« Tout porte à croire qu’il existe un certain point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas, cessent d’être perçus contradictoirement. »
C’est dit.

Hier, c’était il y a 20 ans, demain ce sera dans 20 ans, maintenant est une pyramide de 40 ans. Dans 40 ans ce sera aujourd’hui, même si je suis absent des heures et des horloges. Je sors des montres. Je démontre [12].

Comme l’a dit un penseur planétaire : « Le " maintenant ", notre temps, est le temps aux larges portées. » [13]
Toutes les erreurs, collectives ou personnelles, sont des fautes de temps. Pas besoin d’explications, rien à maintenir mais beaucoup à transmettre, il y a urgence, au diable l’argent. Pas de barrage possible contre le temps, cet océan très peu pacifique. Il s’agit juste d’échapper au contrôle à l’intérieur du contrôle, en évitant d’être marginalisé ou détruit. La Société, c’est-à-dire Dieu, adore les "poètes maudits", les suicidés pour elle, elle a ses martyrs, ses listes, ses mémorials, elle ne pardonne rien à celui qui n’est pas "ensemble". Entre la haine des contrôleurs et celle des marginalisés, sachez naviguer. On vous fera beaucoup la morale. Vous êtes un poison dans leur temps, un requin, un hideux cachalot solitaire.

Le décervelé planétaire croit être au courant de tout, alors qu’il n’est à la coule de rien. Il voit tout à travers son prisme social, il vit social, il travaille social, il meurt social. Pourquoi toutes ces naissances ? Il les faut . Grâce à ce flot ininterrompu, le crime personnel se cache. L’immortalité est-elle génétique ? Certains l’ont cru, et le croient.

En avril 1942, Georges Bataille, atteint de tuberculose pulmonaire, doit quitter son emploi à la Bibliothèque nationale à Paris. En février, il est de passage en Auvergne, et il écrit à son ami André Masson, parti pour les États-Unis. La lettre, comble d’étrangeté, est postée à Vichy :
« L’Europe évidemment est plus voisine du Tibet que du Connecticut. La vie y est sans doute plus étrange qu’on ne l’aperçoit du dehors, on y est replongé dans le fond des temps. Jamais le monde réel ne m’a semblé davantage un rêve : l’air qu’on respire est un air de rêve, un air d’angoisse. Et, chose curieuse, je lâcherais tous les cieux clairs pour la brume où toute chose est ici ensevelie [...] J’ai trop vu de choses et j’en ai trop éprouvé pour m’occuper de ce qui ne trouble pas entièrement les données ordinaires. Je ne connais plus — ou ne suis plus — qu’une force illimitée de négation qui divinise tout ce que je n’ai pas vidé de sens. Et divinisé, cela veut dire aussi pour moi " vide de sens ". Difficile d’envisager à quel point je me sens devenu silencieux, au point d’imaginer que toute parole se briserait si elle me touchait (ou elle se décomposerait ou deviendrait si comique que la phrase finirait en éclat de rire). Tout le reste : je marche de travers, aussi gaiement que jamais, et, si je glisse, je deviens une corde de silence. »

En 1958, autre lettre :
« Dans un monde où l’armée dispose des moyens de tout réduire, il est temps de mettre en oeuvre un enseignement de l’irréductible. Le reste est anachronique. »
En 1944, enfin, pour le centenaire de la naissance de Nietzsche :
« Rien n’est plus séduisant, plus ensoleillé, plus clair que la pensée de Nietzsche. Elle s’exprime en développements brefs et précis, parfois en tirades lyriques, en dithyrambes inspirés. Le style, qu’une influence française consciente dégage de la pesanteur germanique, est peut-être le plus parfait de l’histoire de la langue allemande. »

Pas « peut-être », sûrement. Mais examinons les dates au microscopes. En 1942, en plein désastre, l’Europe est, pour Bataille, plus voisine du Tibet que du Connecticut. Qu’en est-il aujourd’hui ? Elle est certainement plus proche du Sichuan que du Texas, et la force illimité de la négation n’est plus du tout la même. Cependant, en tenant à nouveau « une corde de silence », il est possible, encore une fois, de pratiquer un « enseignement de l’irréductible », tout le reste étant, en effet anachronique . Et, surprise, en français métamorphosé, surgit de nouveau un style de séduction, de clarté, de soleil. [...] »

« La vraie révolution est rétroactive , elle tire à bout portant sur les fausses horloges, le passé fleurit comme l’avenir du présent, les meilleurs des morts vivent et revivent, les pseudo-vivants meurent et remeurent, l’essentiel demeure, et, soudain, une grande bénédiction sans raison envahit le ciel.
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