Plus tard,après avoir quitté le Rostand,j'arpente à pas irréguliers les quais de la Seine tandis que son pas usé peine à me suivre. Je ne suis jamais en paix quand je le sens triste,accablé par sa chair éprouvée qui se rappelle à lui.
Une vapeur jaune monte du trottoir mouillé.
Nos limites corporelles s'unissent alors à la fraicheur de l'air et aux lumières des réverbères.
Nous montons dans une péniche. Je m'enfonce dans ses bras. Il amis la photo dans sa poche.
Puis la mélancolie du fleuve,les manèges de brume cotonneuse,les laminages des nuages endeuillés;les frimas indistincts qui s'épuisent en petite fumée,ton écharpe autour de mon cou... La Tamise,à l'horizon,peut-être...
Les mots ne disent décidément plus les choses.
Dans les landes de Lessay,tu te souviens d'avoir été le faible,le bossu de l’âme,le dernier des derniers qui s'est laissé cravacher,violenter,puis absenter,dépouiller de notre enfant avant que le tombeau blanc qui s'est refermé sur toi un jour de décembre 2017 ne t'ouvre un autre firmament.
Mais j'ai appris un fiel plus doux et délétère que la vengeance,j'ai appris à ne plus écumer,à être l'oiseau du fauconnier qui vient à point nommé,qui frôlant le gant sans s'y poser vient saisir sobrement la nourriture que le sort lui réserve immanquablement.
Jeanne,sœur Jeanne,épouse haie,toi dont chaque parole et chaque acte n'était que le fruit d'un rêve corseté,un cantique à la violence,sœur Jeanne,vieille hyène,n'as-tu rien vu venir?
N'as-tu pas senti le souffle qui planait à la surface des eaux du monde,N'as-tu pas vu son visage s'enluminer de cet enfant,par lui,avec lui et en lui?