J’ai connu Pierre-Aristide Rouchon sur les réseaux sociaux littéraires et d’abord adoré une de ses nouvelles, « Sang d’encre ». Je suis particulièrement touchée qu’il apprécie mes critiques de lectrice et qu’il me demande mon ressenti sur En-dessous des normales de saison, « une histoire de valise… qui n’évoque ni les vacances ni le voyage… qui sème le trouble » dans une communauté de gens qui nous ressemblent un peu.
Que penser d’un roman qui commence par une conjonction de coordination, ici par « car » ? Normalement, ce mot est là pour expliquer ce qui précède sauf que, dans ce cas précis, nous ne savons encore rien de l’histoire, de ses tenants et aboutissants. « Car » peut aussi introduire une causalité, une justification… Normalement, ce mot ne devrait pas être ainsi placé en tête de phrase mais suivre une virgule, un début d’énoncé.
Me voilà aussi perturbée par cette figure de style que les personnages du roman le sont eux-mêmes, mais par une valise suspendue en travers de la rue de leur village, entre deux maisons.
Évidemment quand le dernier chapitre commence à son tour par un « donc » conclusif, cela me surprend moins : j’ai adhéré depuis les premières pages du prologue à ce pacte de lecture particulier et en accepte les inévitables conséquences, aussi surprenantes soient-elles.
L’écriture s’organise sur deux niveaux : un narrateur omniscient raconte l’histoire mais son récit est entrecoupé de courts passages en italique, directement adressés aux lecteurs, qui n’en comprendront la véritable teneur qu’au fil des pages. L’intrigue principale suit un déroulement logique, au gré des évènements qui s’enchainent, chaque péripétie ouvrant des possibles à explorer, proposant des choix, des directions.
Trente-cinq personnages vont évoluer sous nos yeux, au risque de nous perdre un peu, dans une suite de saynètes et de tableaux : « un suicidé, un grand malade, deux estropiés, une demi-folle, un vieil homme déprimé, un homme quitté, une femme trompée, une veuve alcoolique, une mairie sans capitaine, […] des récoltes fichues, […] la fête annulée, […] l’ambiance délétère, […] la solitude, […] l’amertume »...
Heureusement, comme au théâtre, l’auteur a pris soin de lister les protagonistes au début de son livre par ordre d’entrée en scène… Personnellement, je m’y suis référée quelquefois pour retrouver qui était qui et pourquoi il ou elle était là. De même, il n’a pas hésité à insérer de véritables didascalies dans son récit.
Le ton est parfois polémique, souvent très poétique, soutenu avec des clins d’yeux, une intertextualité sous forme de bande son suggérée. Il y a un réel souci du détail, de la mise en scène, de la focalisation, de la polyphonie des points de vue. Le texte mérite plusieurs lectures, à la recherche de clés, d’indices.
Pierre-Aristide Rouchon joue sur plusieurs registres. Certes, tout part d’un dérèglement climatique, d’un début d’été trop arrosé qui influe sur le moral, l’économie touristique, l’organisation de la fête locale… qui crée un microclimat dépressionnaire. Mais il aborde également, l’air de rien, des faits de société comme la perte d’autonomie des personnes âgées, les relations conjugales et familiales, la gestion de l’agriculture, les politiques locales, l’accueil des étrangers… et plus encore. Et surtout, il nous plonge à sa manière dans une mise en abyme de l’écriture, dans les mystères de l’imaginaire et de l’inspiration.
Car j’ai adoré ce roman, ces scènes de vie, ces scènes de rues, ces variations météorologiques, cette valise symbolique et métaphorique lourde de sens et pourtant si aérienne.
Donc, je recommande cette lecture, plutôt au-dessus d’une certaine normalité littéraire.
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En dessous des normales de saison est un roman que j'ai découvert une fois de plus grâce au site net galley et aux éditions Librinova.
Court roman, lu quasiment d'une traite, et qui est très original.
Nous sommes à Villeuneuve qui se réveille un matin avec une surprise : une valise qui se balance entre deux maisons, en hauteur. Une valise toute simple mais qui va changer la destinée de certains des habitants.
Le conseil municipal tarde à l'enlever, et cette chose va modifier le comportement de certaines personnes. Cette valise révèle le pire chez certains !
C'est surprenant, loufoque, et ce roman m'a vraiment interpellé. Je ne l'ai pas adoré mais je ne l'ai pas non plus détesté. Je l'ai lu avec curiosité, me demandant comme toute cette aventure allait se terminer !
J'ai beaucoup aimé l'écriture, je trouve que Pierre-Aristide écrit vraiment bien. C'est très agréable à lire.
J'ai apprécié l'originalité de cet ouvrage ainsi que les personnages.
Je mets avec un immense plaisir quatre étoiles, et je vous invite à le découvrir :)
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Auteur chez Librinova comme moi, l'auteur ne pouvait qu'attirer mon attention avec la présentation de son livre : une galerie de personnages déstabilisés par la présence inopinée d'une valise... J'ai beaucoup aimé les descriptions des habitants de Villeneuve, leurs personnalités qui se dévoilent au travers de comportements et de situations diverses ; l'écriture souvent originale et très rythmée ; l'histoire qui se déroule au travers de ces petits riens ; les changements très progressifs qui font basculer les choses... Mais j'ai un regret : le grand nombre des protagonistes empêche finalement (en tout cas m'en a empêchée !) de s'attacher vraiment à l'un d'eux...J'aurais aimé que un ou deux d'entre eux soi(en)t plus fouillé(s), qu'on le suive de plus près, et que l'on approche avec plus de précision les effets qui peu à peu vont faire pencher les évènements... qui de comiques deviennent finalement dramatiques. Bravo en tout cas à Pierre-Aristide car je vais suivre la suite de ses écrits ! :)
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Nous sommes dans un village français, avec son église, sa boulangerie, son bar-PMU, ses anciens, ses cultivateurs, etc.
Un beau matin du mois d’août, apparaît une valise accrochée à un câble qui traverse la voie principale du village.
Alors que les 2 personnes qui ont essayé de la décrocher en ont subi un grave traumatisme physique, elle suscite une multitude d’interrogations et devient le catalyseur des rancœurs plus ou moins avouées au sein de la communauté.
Il faut dire que la météo peu clémente pour la saison remet en question la routine et les fondamentaux qui donnent vie au village : les moissons ont pris l’eau, la fête foraine doit être annulée et cette valise qui vient les narguer échauffe les esprits.
Loufoque, absurde, cette situation donne le prétexte à l’auteur de dresser une galerie de portraits de ceux qui vivent dans cette France rurale en voie de disparition. Ils sont comme tout un chacun avec leurs inquiétudes pour l’avenir, leurs ruptures sentimentales, leurs souvenirs d’une vie attachés à quelques pierres.
Le récit ne m’a pas tenu en haleine mais j’ai apprécié le style qui très souvent reprend le langage parlé de tous les jours. C’est souvent amusant mais parfois aussi nostalgique car j’ai retrouvé des expressions que je n’avais pas entendues depuis plusieurs années, celles du temps où la petite parisienne que j’étais passait ses vacances chez Mamie, à la campagne où on parlait encore patois.
Alors ce roman n’est certainement pas celui de l’année mais c’est un bon cru de l’auto-édition. Il est à la fois divertissant et intelligent. Pas mal, non ?
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Même les citadins que nous sommes, et nous ne sommes pas tous citadins, prendront beaucoup de plaisir à découvrir ces chroniques villageoises. Par-delà un quotidien banal d'apparence, la vie locale s'anime parfois de situations loufoques.
Les lecteurs savoureront la justesse des caractères décrits et le regard bienveillant et non dépourvu d'humour que l'auteur porte sur ses personnages.
Les changements de rythme ainsi que les différents registres de langue servent parfaitement le récit. Un vrai bonheur de lecture.
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