Si l’on admet un instant que la représentation du monde au XVIIe siècle ait encore laissé place au merveilleux et à l’irrationnel, de sorte qu’elle trouve des excuses à qui y croit à cette époque – une indulgence que, du reste, ni les Messieurs de Port-Royal ni Bayle, ulcérés par de telles fariboles, n’étaient prêts à accorder à leurs contemporains –, la question rebondit aujourd’hui : comment interpréter la permanence de telles croyances au XXIe siècle, alors que les données de l’astronomie, de la linguistique, de l’histoire les ont définitivement discréditées ? Sans aller jusqu’à prétendre que la bêtise progresse, on dira que la décennie passée n’a cessé de confirmer la pertinence du diagnostic de É. Labrousse : la crédulité se porte à merveille, et chaque génération doit en relancer inlassablement la critique. Si l’on veut en comprendre les rouages, il faut s’interroger sur la propension des hommes à croire, à espérer et à craindre indépendamment du savoir qu’ils ont accumulé, sur l’instrumentalisation de ces croyances par le pouvoir politique et sur le lien de ce dernier avec les religions ou leurs clergés.
Introduction