« Nous, on n'arrête jamais. Soit on mange, soit on cherche à manger. Y en a qui disent qu'on est bêtes, mesquins, bornés, qu'avec cette quête alimentaire, notre cerveau, déjà pas bien grand, s'est rétréci, atrophié. Rien de plus faux, cette recherche nous ouvre au monde, comme des artistes. On nous dit aussi prisonniers de la ville, enfermés. Parce que nous y vivons à temps plein, n’en sortant que très peu, alors que nous pourrions vivre à campagne. À tous ceux qui nous accusent, à tous ces Torquemada d'opérette nous répliquons: « Vous aussi pourriez vivre dans la cambrousse, vous avez, comme nous, les moyens de vous déplacer, vous connaissez la nature et ses qualités ; mais vous avez choisi la ville car elle est opulence, même si elle n'est pas pour vous, et vie sociale même si elle n'est que promiscuité. »
La liberté, c'est aussi celle de la parole, elle a un prix qui vous évite la trace du licou. Elle coûte, on en abuse ; un jour ici, un autre là. On est aussi mobiles que vous, mais sans moteur, bien plus silencieux. Mobilité, flexibilité, nous n'avons pas attendu que ces notions soient à la mode pour en user, on peut même dire que nous les avons inventées. Et la vie, toute la vie, toute la ville se déroule sous nos yeux, car nous sommes innombrables, nous sommes partout, et de là-haut, nous voyons tout. »