Pierre Bourdan, une des voix de la France à Londres.
Plus bas, dans le secteur d'Ortoncourt le colonel Putz, une des figures les plus remarquables et originales de la Division, qui a commandé en Espagne la Brigade internationale, qui a probablement plus de campagnes à son actif sous tous les cieux et climats qu'aucun homme vivant, se trouve au feu comme une salamandre, et avait sous ses ordres un bataillon franc-espagnol qui ne chômait guère, passait un mois d'octobre plus actif, appuyant l'assaut américain qui libéra Rambervilliers et écrasant, à Anglemont, un bataillon ennemi, en attendant de jouer, le 1er novembre, un rôle important à la prise de Bacarrat.
Cette nuit-là, malgré l'air marin et la brume blanche qui s'accrochait au sol, nous avons reconnu la terre de France à son odeur. Nous l'aurions sentie entre toutes, les yeux bandés. Car cette terre de France se reconnaît à coup sûr à son odeur ; et plus encore peut-être quand on vient d'Angleterre où une campagne lavée, peignée, lustrée, polie par la pluie et le vent, se dérobe à l'odorat, fuit de route en route, et laisse, avec sa grâce ornée, le souvenir d'une présence insaisissable.
Ici, la terre vous prend à bras-le-corps, vous entoure, vous empoigne de ses senteurs et de tout ce qui monte d'elle de robuste et d'émouvant. (...)
Mais, au-dessus des odeurs diverses qui distinguent une terre, une ville de France, une odeur commune à toute la terre de France, il y a une odeur qu'on ne respire nulle part ailleurs. On y retrouve l'homme, l'animal, le travail ; il y entre de l'haleine des bêtes, de la fumée, de la terre retournée, des herbes sèches; c'est une combinaison unique du sol et de l'effort. C'est cette odeur-là que nous avons sentie et si incroyablement reconnue pour nôtre dans le Cotentin, au milieu de cette nuit de juillet.
Paris trop pauvre et isolé de ses campagnes, ne pouvait pas jeter ses fleurs à profusion comme la province ou les village, mais il tendait ses yeux où brillaient des regards comme on n'en a jamais vu : yeux de femmes ruisselant de soleil, yeux de vieillards où se rallumaient des fiertés éteintes, yeux grands ouverts et charmés de jeunes enfants, yeux plus fixes, résolus ou pensifs des hommes : c'étaient ces milliers de paires d'yeux dont le feux qui couraient le long de notre route semblaient se dégager d'un cerne d'ombre creusé depuis quatre ans qui nous exprimaient Paris, qui nous ouvraient Paris, qui nous racontaient la longue histoire et le sens indicible de son dénouement.
Son vrai nom Pierre Maillaud.
Soucieux de ne pas mettre en péril celles et ceux de ses proches qui se trouvent en France, il choisit un pseudonyme. Ce sera Bourdan, en mémoire du petit village du Bourg-d'Hem, dans la Creuse, où il a séjourné en vacances entre 1919 et 1925/
Parfois nos alliés américains ont dit de la Division qu'elle faisait une guerre dure. J'ai vu, en effet, des hommes de chez nous être implacables ; je les ai vus aussi, comme plus tard aux Invalides, traiter avec compassion des prisonniers qui avaient été combattants et rien de plus. En Normandie, c'était autre chose ; il fallait réprimer l'assassinat, le brigandage commis par les hommes qui n'étaient plus des soldats, car tout leur était une cible et tout, une proie.
Dreux, Chartres, Orléans, Châteaudun, Vendôme, Blois...
Du 13 au 31 août, tandis que se poursuivaient et se terminaient les opérations en Normandie, des villes françaises libérées, accouraient à nous, de beaux noms de villes françaises, portant , dans leurs syllabes, des cathédrales et des reflets d'eau, ramenant avec elles, du fond de notre histoire, des sons de cloches et de trompettes de hérauts d'armes.
Nous reconnaissions de loin les véhicules français à leurs emblèmes et les unités à leurs marques. Mais aux yeux seuls de ceux qui étaient à bord on aurait pu reconnaître qu'ils étaient français : des yeux transfigurés qui portaient en eux le sens magique de leur destination : Paris.