QUAND MÊME
Un grand amour, ça ne meurt pas,
Tant qu’il y a deux regards prisonniers,
L’un de son mal et l’autre de l’appel premier...
Un grand amour, ça ne meurt pas,
Même quand il n’y a plus qu’un regard
Et que l’autre est coincé au plafond du néant.
Plaise au couple neuf de trembler en gagnant la brousse !
Et si l’un des émigrants se retourne et déserte,
Qu’il soit chéri toujours, don d’un mirage à la ville !
LE SEPTIÈME JOUR EN LA BANLIEUE
Extrait 2
Écrire
et la transmutation comme le sol
du luxe solaire.
Tous ces gens sont le terme du soleil :
leur torpeur clôt sa force.
Un citadin assis ou baladeur
tue le soleil en soi,
puisqu'il se départit de l'effort.
Ma place au soleil et rêvasser !
Un avion, au sol rivé, pourquoi ?
Hourrah !
voici le soleil en transit,
le soleil réalisateur parmi le blés
et très loin, mais imminente
la moisson animatrice,
et de très loin, mais usuels
le pain et le repas des hommes.
Quand la campagne accueille
le désistement des promeneurs,
je me mêle à la conscience des blés
et prépare,
soleil, inspiration, champs, — prêts non pas dons,
raisons d'agir
incessante mobilité productive,
je prépare — pendant au centuple, ô terre —
de la nourriture pour mes frères.
DUALISME
Dessus l’eau, le pont métallique...
Oblong baldaquin géométrique,
la vigueur solide du pont
pare
la quiétude de l’eau.
Et voici, précis,
le paradoxe de son succès :
comme l’âme d’un homme
traverse ‒ ô miséricorde ‒ quelque
défaillance sans la toucher ‒
d’une berge à l’autre,
sans piliers, sans contact,
le fait industriel
coupe extérieurement
la destinée de l’eau.
Oh! à côté de l’eau,
experte en images
et contente – mesquinement ‒
de la photographie
des êtres et des choses,
à côté de l’eau,
neutre encyclopédie du factice,
pédagogie du reflet,
le pont,
l’austère pont impénétrable
dont la réalité figée
inculque la science et le lyrisme
du véridique dynamisme
universel,
autos, camions, passants, tramways,
de chair et de matière
en actes.
DÉMAGOGIE
Un seul manque, on se bloque :
Tous les objets sont déchaînés…
Ça râpe, une absence.
Est-il mort le doux homme émerveillé
Dont les yeux vrillaient de l'amour
Près de sa machine inhospitalière
Dans les sec brouhaha de chaque jour ?
Ça pleure, un constat.
Est-il mort cet étonnant homme simple
À l'affût d'un monde étranger ?
Est-il mort le guetteur qui s'en venait par fraude
Avec pudeur, vers une rencontre interdite ?
Ça coupe, une parque.
J'aurais dû saisir sa lumière ;
Je ne lui rendais qu'un sourire opaque.
J'aurais voulu délivrer ses silences ;
J'enchevêtrais banalités.
Je pourrais être sûr comme un miroir,
Je choisis l'inconfort du doute.
Puisque demain, bien informé,
Somptueux et timide indifférent
Au cœur lourd, à nouveau je frustrerai
Un seigneur d'être en salopette.
LE SEPTIÈME JOUR EN LA BANLIEUE
Extrait 1
Repos hebdomadaires en la campagne
que flâneurs et dormeurs animent…
Tous, ce jour, attribuent
la vitalité champêtre
aux engourdis dont le nombre
si local encombre l'espace…
Quand j'indique le soleil
ubiquitaire et stimulateur,
" Fou, me dit-on,
aux citadins,
l'âmes des champs dominicaux ".
N'a-t-on point affirmé aussi :
" Ma place au soleil "
pour dormir,
pour ne point se posséder,
avec les étoffes et les maisons,
qui pour un éphémère éclat, se décolorent…
Or, j'ai balbutié :
" Ma place au soleil ".
J'ai crié :
" Le soleil en moi. Ma place en moi ".
…