Mettant en œuvre une langue poétique extraordinairement intense, complexe, et innovante, Shakespeare inaugure avec Hamlet une écriture de l'intériorité - de la subjectivité - qui suit les inflexions d'un esprit inquiet, tourmenté par le spectacle d'un monde en décomposition, désormais sans repères. Le succès de la pièce ne s'est jamais démenti.
(préface à l'édition de Hamlet, traduction François-Victor Hugo)
Comme le fera plus tard Hawthorne, Rousseau déplore l’impuissance du langage abstrait et rationnel du monde moderne à remplir sa vocation originelle, qui était d’exprimer les passions. Ce qu’il appelle « la langue des géomètres » n’est plus que la forme abâtardie d’une langue première dont les « plus anciens mots inventés » étaient « des accents, des cris, des plaintes », seuls vrais modèles d’une parole vive (Discours sur l’origine des langues, 480-81). Aussi le voit-on, dans un passage de ce même ouvrage où il se prend à rêver d’une langue idéale, réduire au minimum la part du langage articulé pour en faire reposer toute la force sur des qualités strictement musicales :
Comme les voix naturelles sont inarticulées, les mots auraient peu d’articulations ; quelques consonnes interposées, effaçant le hiatus des voyelles, suffiraient pour les rendre coulantes et faciles à prononcer. En revanche les sons seraient variés, et la diversité des accents multiplierait les mêmes voix ; la quantité, le rythme, seraient de nouvelles sources de combinaisons ; en sorte que les voix, les sons, l’accent, le nombre, qui sont de la nature, laissant peu de chose à faire aux articulations, qui sont de convention, l’on chanterait au lieu de parler …
Cette langue […] aurait peu d’adverbes et de mots abstraits […]. [Elle devrait] donner de la cadence aux périodes et de la rondeur aux phrases […]. Elle négligerait l’analogie grammaticale pour s’attacher à l’euphonie, au nombre, à l’harmonie, à la beauté des sons (Discours sur l’origine des langues, 485-86).