Ces impressions, surtout la dernière, sont discutables au vu des traces archivistiques qu’a laissé la reconstruction proprement dite. Mais un modèle s’élabore qu’aucun des textes produits dans les années 70-80 ne conteste : pesanteur de l’État, inspiration soviétique, grisaille, ennui dû au tracé orthogonal. Ce modèle a la force d’une représentation collective cristallisée, présente en fait dans d’autres villes reconstruites selon des conceptions architecturales pourtant fort différentes.
Évoquant Le Havre, sa ville natale, le géographe Armand Frémont déplore ainsi l’œuvre d’Auguste Perret et de son atelier : « le classicisme austère de la ville neuve, sans concession à d’autres lignes que l’horizontale et la verticale sur des dizaines de mètres se confronte, dans les esprits, aux courbes de la Renaissance […] Les vieux Havrais ne s’en remettront jamais […] L’appropriation de la ville reconstruite par les Havrais s’opère lentement et très mal […] On ne cesse de dire cette ville “froide”, même si beaucoup s’y attachent plus qu’à aucune autre, et mieux encore “stalinienne”, alors que Staline et les siens ne sont vraiment pour rien dans les choix de 1945.