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Citation de cinquecento


Le maître de chiourme montait sur l’espale pour faire son rapport.
- Combien de rameurs perdus, Bas ?
- Douze, dont nous nous sommes débarrassés cette nuit, Kaptan. Mais une dizaine d’autres mourront avant la nuit prochaine.
Vingt-deux rameurs perdus, sur la centaine. Combien de mariniers, combien de soldats ? Le Demirel Kaptan porte à nouveau son regard vers la troisième rangée de bancs. L’homme qu’il cherche est étendu sur le dos, immobile, cette fois.
Descendant de l’espale, s’engageant sur la coursie, Demirel Kaptan s’approche de l’homme couché, lui touche la poitrine de son bâton. Le galérien ouvre les yeux, relève la tête mais ne se met pas debout. Le capitaine et le galérien se toisent un instant dans un face à face de deux visages ravinés de fatigue. Le galérien est jeune. Avec ses cheveux rasés, sa barbe noire et les croûtes de sel qui tachent de plaques blanchâtres sa peau brune, avec ses joues creuses et ses yeux rouges, il a la mine pitoyable de celui qui a cessé de lutter. Son vêtement de toile pend sur un corps maigre qui s’abandonne à l’épuisement. Des amas de chiffons sans couleur entourent ses chevilles et ses mains. Le Demirel Kaptan ne l’obligea pas à se redresser ; il surveille seulement l’avance de la mort.
- Pourquoi m’as-tu retenu, cette nuit ? dit-il en turc d’une voix brève.
- Sauver ta vie, répond le galérien dans un turc hésitant.
D’impatience, le Demirel kaptan frappe le plancher de son bâton.
- Pourquoi voulais-tu me sauver la vie ?
- Toi seul, sur cette fuste, sais nous ramener ici. En vérité, c’est moi que je sauvais. Nous.
- Toi… Tu ne résisteras pas à la prochaine expédition.
- C’est à voir. Je suis comme ton bateau. Réparations nécessaires. Dieu seul sait.
- Pourquoi voudrais-tu vivre, dans ton état ?
Le galérien fait un effort pour se redresser. Le Demirel kaptan le considère de haut avec le sourire cruel de ses dents blanches. Un éclair noir jaillit des prunelles sombres du galérien.
- La seule façon pour moi de te tuer un jour.
Dans un grand éclat de rire, le Demirel Kaptan s’en va vers l’avant du bateau.
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