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4.15/5 (sur 10 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Ingénieur chimiste, Docteur ès Sciences Physiques, Pierre Legrand poursuit sa carrière professionnelle à Bruxelles, à la direction européenne d'une multinationale, en tant que Directeur Marketing et Technique.

Il représente sa Compagnie et l'Industrie Chimique Européenne pour les problèmes environnementaux auprès de la Commission Européenne à Bruxelles.

Passionné d'Histoire et de Littérature, doté d'un goût pour l'analyse et l'investigation scientifique, historique et bibliographique, d'un grand talent d'imagination, il assure le scénario de la Saga Historique CINQUECENTO :
"Cinquecento, Tome 1 : Les fortins de Venise (1509-1514)" , "Cinquecento, Tome 2 : Le chancelier de San Marco(1514-1524)", "Cinquecento, Tome 3 : La signora de Limena (1524-1531)", "Cinquecento, Tome 4 : Le brûlot de Clissa (1531-1533)", "Cinquecento, Tome 5 : Le captif de Raguse (1532-1537)", "Cinquecento, Tome 6 (et dernier) : Le complot de San Donato (1537-1542).

Il assure également le scénario des séries :
- "Enquêtes vénitiennes/Les mystères de Venise en 1500": Le concert interrompu.
- "Les aventures du Renard de Venise": Un hiver à Chypre.

Pour tous ces ouvrages, Claudine CAMBIER en assure l'écriture.
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Bibliographie de Pierre Legrand   (17)Voir plus

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Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
- Signori, intervient avec douceur le Grand Chancelier De’ Franceschi en soulevant un feuillet, voici la lettre du Sénat, adressée au Provveditore da Mar , et commandant d’emprisonner le Sopracomito Da Canal dans la citadelle de Zante. Souhaitez-vous en entendre lecture ?
Sur l’approbation générale, l’homme aux beaux cheveux blancs psalmodie en sourdine les phrases forgées par Nicolò Cavazza, secrétaire du Sénat.
- Cette lettre est parfaite. Il nous reste, Signori, dit le respectable Badoer, à en écrire une autre, secretissima, qui ordonnera au Podestat de Zante de recevoir le médecin que nous lui enverrons pour prendre soin de son prisonnier.
- Le climat de Zante est favorable aux fièvres, approuve déjà le capo du Conseil des Dix.
- La seule chose possible est que ce médecin se mette en route sans tarder, muni d’un coffre contenant ses drogues et que, piano, piano, notre prisonnier perde la santé et se trouve en état de se présenter devant Dieu. Alors, ce médecin examinera le cadavre, comme pour voir de quel flux d’humeur il est mort. Il jettera ses drogues et s’emploiera à mettre dans le coffre la chose que nous réclame le Sultan.
- Nous n’avons pas le choix.
- Quelle pitié de perdre ainsi un homme de courage. Hélas ! Il s’est mis en travers de nos intérêts.
- Nous avons essayé de lui pardonner, mais c’est hélas impossible, n’est-ce pas ?
- Dunque, sommes-nous d’accord sur cette façon de sortir de la crise ?
Pour rien au monde, le Chancelier ne renoncerait au rite de faire lever les mains afin que chacun s’exprime clairement sur la proposition. Cinq mains solennelles se lèvent, le Chancelier, n’ayant pas droit au vote, compte du bout de sa plume, note, tout en prononçant, détachant bien les syllabes :
- De parte : 5, – De non : 0, – Non sincero : 0.
Le cérémonial accompli, les murmures reprennent :
- Perbene, ma… La famille réclamera le corps.
- Il sera mort de la peste ou de quelque fièvre inconnue qu’on ne peut introduire dans notre Cité. Des honneurs militaires lui seront rendus à Zante et il y sera enterré en pleine terre. Nous ferons une cérémonie civile à Venise dans la basilique de San Zanipolo.
- Ovviamente, ma… Qui ira en Perse, où se trouve actuellement le Sultan, pour lui apporter le coffret ?
- Pourquoi pas le même médecin ? Cela réduirait le nombre d’hommes qui seront dans le secret. Le Podestat de Zante pourra, sans savoir ce que cet homme transporte, lui donner une escorte et des interprètes suffisants pour se rendre jusque dans Bagdad ou dans quelque place où se trouvera alors le Grand Seigneur.
- Perfetto, ma… avons-nous ce médecin qui pourra agir de façon compétente, c’est-à-dire discretissime, secretissime ?
- Le Signor Fazzoli fera très bien l’affaire, dit le Grand Chancelier. Il a déjà exécuté pour nous bien des missions délicates.
- D’accordo, ma… cet homme, qui exécute l’ensemble de la mission est, de ce fait, en mesure de la comprendre. Pouvons-nous prendre le moindre risque d’une indiscrétion… qui peut parfois se trouver involontaire ? Et imaginez que le peuple ou la famille Da Canal sachent de quoi est réellement mort le Sopracomito. Il ne s’agit pas ici d’un individu quelconque, mais d’un patricien de l’une des plus grandes familles de Venise. Nous devons faire revenir le Signor Fazzoli par un autre chemin. Nous pourrions avoir, à Corfou par exemple, un homme qui ignorera tout de la mission secrète de ce médecin et le verra périr des fièvres sur la route du retour. Nous verserons, cela va sans dire, de belles pensions aux deux veuves qui résulteront de nos arrangements.
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Au milieu des bannières multicolores, des tapis et des draperies suspendues aux murs de pierre, les couples montent lentement les larges degrés, procession de figurants magnifiques en tenues d’apparat.
Les hommes sont vêtus de noir, insigne de la noblesse, mais sous les manteaux de velours, de drap des Flandres ou de lourde soie doublée de martre, brillent des chemises fines de couleurs éclatantes. Ils portent au cou de lourds colliers d’or et quand ils dégantent leurs mains pour s’emparer de celles des dames, on voit scintiller à leurs doigts d’imposants cabochons.
A côté de la sobre élégance des hommes, les dames assurent l’exubérance d’un jardin de fleurs un matin de printemps ; on devine, lorsque leur cape de couleurs vives s’écarte un peu, le chatoiement inouï des soies, des ors, des perles, des brocarts et des pierres précieuses qu’elles promettent de déployer avec une éblouissante prodigalité. Elles posent gracieusement leur main gantée sur le poing ou la main ouverte des hommes et, pour monter les degrés, soulèvent discrètement un pan de leurs atours. On aperçoit alors le bout de leurs escarpins de satin, jusqu’où sont tombées des perles.
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Pierre Legrand
LE SOUPER DE LA SAN MATTIO, Enquêtes vénitiennes 2, de Pierre LEGRAND

Jugeant qu’il en avait fait assez et que la suite s’annonçait sans intérêt, Aurelio prit congé après de bonnes paroles et sauta dans sa gondole. C’est sur le siège flottant que la petite clé, s’animant soudain, se mit à lui brûler les doigts. Ouvrir le coffret, vite ! Ce qu’il y trouverait conditionnerait l’activité des jours prochains, sinon l’issue de la guerre ; le retour de la sérénité ou la preuve d’un acte criminel et ses suites funestes. Les fermetures du coffret étaient compliquées ; ce genre d’ouvrage de maître ferronnier ou plutôt d’orfèvre capable de ciseler des mécanismes qui s’interpénètrent et se multiplient et qui n’obéissent qu’à la seule clé qui sait faire jouer leurs ressorts. Aurelio l’engagea dans la serrure avec la sensation de posséder entre ses mains le sort de la République, de son trésor et de ses milliers d’âmes. Le mécanisme complexe résistait. Lui avait-on donné la bonne clé ? Eh, qu’importe, on fracasserait le couvercle, le contenant n’avait aucune valeur, seul importait le contenu, les belles liasses de feuilles épaisses au format de chancellerie pliées avec soin, en trois dans le sens de la hauteur, en quatre en largeur, disposées tête-bêche pour qu’elles ne se froissent pas et s’empilent selon le format exact du coffret, sans se cogner aux parois ni faire de bruit dans le transport.
Enfin, la petite clé, à force de persuasion, enclencha les ressorts et le couvercle se souleva. Le coffret était vide.
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- Ter-ra In-co-gni-ta, déchiffre l’enfant avec application.
- Ça, c’est beau, parce que nous savons qu’un jour un dessinateur,
guidé par un cartographe, entouré d’explorateurs, eux-mêmes guidés par
un navigateur, tracera ici des plaines et des montagnes, des vallées et des
rivières, puis des villes et des ports. Et certainement une mer océane
dont nous ne connaissons encore ni l’étendue, ni les contours. Et ça, ce
sera le fruit de l’intelligence des hommes et de leurs interrogations. Ça, ce
sera le bon usage de notre esprit, tel que Dieu l’a voulu. Ça, c’est la
beauté de notre temps !
Nicolò Aurelio était un homme de son temps : sans nier ses passions, il
croyait en l’avenir de l’intelligence et au recul de la foi aveugle. Mais, s’il
savait déjà que l’Italie était convoitée par des peuples animés de puissants
dogmatismes, il ignorait encore que les hommes qui sillonneraient la Terra
Incognita ne s’appelleraient pas des explorateurs mais des conquistadors.
Il faut toujours mentir un peu lorsqu’on parle aux enfants, surtout
lorsqu’ils sont à l’âge où il faut leur enseigner le monde tel qu’il devrait
être.
( Extrait de : "Le Chancelier de San Marco / Cinquecento 2").
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L’aube les trouverait-elle tous à la même place, pétrifiés comme les statues de marbre du péristyle ? Soudain, au milieu d’un lac de lumière bleue, tel une apparition nouvelle, Obrad surgit de toute sa hauteur, poussant un hurlement de possédé. Était-il devenu fou ?
Un fourré se mit à frissonner, on entendit un déclic, Obrad se tut. Pietro avait vu pointer au-dessus des branches, à trente pas, l’étrange baliveau en forme d’arc. L’ennemi était là. Obrad, en se sacrifiant peut-être, l’avait obligé à se démasquer. Il fallait faire vite, ne pas laisser à l’homme le temps de recharger son arme. Pietro bondit, le petit pistolet au creux de la main, fit feu au jugé dans le massif d’arbustes. Il y eut un deuxième cri, étranglé, la chute d’un corps mou. Pietro passa son épée dans la main droite, et, dépassant le fourré, se trouva au bord d’un muret qui plongeait verticalement dans un trou d’ombre. C’est au dernier instant qu’il vit, au pied du muret, reluire la lame du poignard.
L’homme s’était laissé rouler au bas d’un muret qui courait en arc de cercle autour d’une large fosse. Il aurait pu rouler encore, de palier en palier, descendant ce qui devaient être les gradins d’un amphithéâtre antique. Mais la végétation en avait rempli les creux et un pin l’avait arrêté dans sa chute. L’homme touché à l’épaule s’était relevé, mais, étourdi sans doute par sa blessure et sa chute, avait trébuché parmi les pierres inégales et s’était écroulé une fois de plus, une fois de trop. Il s’était relevé, mais chaque pas lui arrachait la cheville et il fallait courir. Mais où courir ? Il n’y avait pas d’issue dans le fond de l’entonnoir, quant à remonter le muret pour retrouver son cheval, il n’y fallait pas compter. De plus, il savait bien que, dans un instant, son ennemi serait sur lui. Aussi, dans un effort désespéré, il s’était campé sur ses genoux et dardait son coutelas, espérant que son poursuivant, en sautant le muret, tomberait sur son arme. Cette ultime défense s’avéra dérisoire : Pietro, surgi plus loin, fit, d’un coup d’épée, voler le poignard à six pieds de là. À présent, le fugitif soutenait son épaule brisée d’où s’épanchait un liquide tiède et visqueux et il voyait, brouillée sur le ciel nocturne, la silhouette exécrée de cet homme dont il avait juré la perte.
Pietro le tenait en respect du bout de son épée.
– Obrad ! hurlait-il. Où es-tu, Obrad ?
– Ici, Seigneurie, répondit la voix du haut du muret.
– Es-tu blessé ?
Obrad eut un ricanement sinistre.
– Toujours savoir faire peur à ennemi fatigué d’attendre. Et toi ? Que faire ? Tue !
– Non, Obrad. Je le veux vivant. Va me chercher de la corde.
Alors, le danger passé, Pietro passa à autre chose. Il observa l’homme agenouillé. Celui-ci n’avait pas la carrure de Petridis. Il l’obligea à tourner sur ses genoux et à présenter son visage au reflet de la lune. Mais le visage ne parut qu’à moitié. L’autre moitié demeurait couleur du ciel nocturne : c’était l’homme au visage pourpre.

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Le maître de chiourme montait sur l’espale pour faire son rapport.
- Combien de rameurs perdus, Bas ?
- Douze, dont nous nous sommes débarrassés cette nuit, Kaptan. Mais une dizaine d’autres mourront avant la nuit prochaine.
Vingt-deux rameurs perdus, sur la centaine. Combien de mariniers, combien de soldats ? Le Demirel Kaptan porte à nouveau son regard vers la troisième rangée de bancs. L’homme qu’il cherche est étendu sur le dos, immobile, cette fois.
Descendant de l’espale, s’engageant sur la coursie, Demirel Kaptan s’approche de l’homme couché, lui touche la poitrine de son bâton. Le galérien ouvre les yeux, relève la tête mais ne se met pas debout. Le capitaine et le galérien se toisent un instant dans un face à face de deux visages ravinés de fatigue. Le galérien est jeune. Avec ses cheveux rasés, sa barbe noire et les croûtes de sel qui tachent de plaques blanchâtres sa peau brune, avec ses joues creuses et ses yeux rouges, il a la mine pitoyable de celui qui a cessé de lutter. Son vêtement de toile pend sur un corps maigre qui s’abandonne à l’épuisement. Des amas de chiffons sans couleur entourent ses chevilles et ses mains. Le Demirel Kaptan ne l’obligea pas à se redresser ; il surveille seulement l’avance de la mort.
- Pourquoi m’as-tu retenu, cette nuit ? dit-il en turc d’une voix brève.
- Sauver ta vie, répond le galérien dans un turc hésitant.
D’impatience, le Demirel kaptan frappe le plancher de son bâton.
- Pourquoi voulais-tu me sauver la vie ?
- Toi seul, sur cette fuste, sais nous ramener ici. En vérité, c’est moi que je sauvais. Nous.
- Toi… Tu ne résisteras pas à la prochaine expédition.
- C’est à voir. Je suis comme ton bateau. Réparations nécessaires. Dieu seul sait.
- Pourquoi voudrais-tu vivre, dans ton état ?
Le galérien fait un effort pour se redresser. Le Demirel kaptan le considère de haut avec le sourire cruel de ses dents blanches. Un éclair noir jaillit des prunelles sombres du galérien.
- La seule façon pour moi de te tuer un jour.
Dans un grand éclat de rire, le Demirel Kaptan s’en va vers l’avant du bateau.
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– On ne peut en dire autant des plaines à blé de Chypre, gronde Vincenzo Foscarini. Les paysans de l’île prétendent qu’ils ont vu les jeunes blés dévastés par des nuages de sauterelles. Je ne sais ce qu’il y a de vrai dans ces affirmations et si les sauterelles ne vont pas sur deux pieds comme vous et moi.
– Terre lointaine, terre incertaine, commenta l’homme au nez d’oiseau. Qui peut faire confiance aux paysans ? Malgré la présence de notre gouverneur, nous restons dans l’ignorance de bien des choses qui se passent là-bas. Notre administration ne sait pas tout et il arrive que des courriers se perdent.
– On ne peut être partout
C’est alors que quelque chose se passa, comme ces frissons de roseaux qui révèlent la présence du nid de la civelle. Il faut agir vite. Une brusque détente.
– Je pourrais m’y rendre, mon oncle, dit Pietro. J’ai même un ami à Famagouste. Il vous suffit de me trouver un embarquement sur une de vos galères.
– Figlioccio, tu ne sais pas à quoi tu t’engages.
– Pensez-vous, mon oncle ? Et vous, à quoi vous étiez-vous engagé à mon âge ? Croyez-vous que je ne pourrais faire aussi bien que vous ?
– Je ne pense pas cela, évidemment.
– Alors, considérez que la mort de mon père m’a bouleversé et que j’ai besoin de me rendre utile. Laissez-moi aussi vous remercier de tous vos bienfaits.
– Et ta mère, tu y as pensé ? Elle est veuve, à présent.
– Bien sûr, mon oncle. Et vous savez comme moi qu’elle ne s’opposera pas à mon projet. Ma mère est une guerrière. L’audace de son fils ne peut que lui plaire.
C’était une conclusion un peu rapide mais Vincenzo, qui connaissait depuis plus longtemps que Pietro celle que, dans son cœur, il appelait toujours Laura, se contenta de branler du chef. Telle mère, tel fils. Il n’avait plus qu’à trouver parmi ses collègues un sopracomito en charge d’une galère en bon état.
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. J’ai engagé pour notre Roi 300.000 ducats sur ma cassette personnelle afin d’établir le plus justement possible un état des fortunes de ce pays. Oh, croyez bien que cette pratique n’est pas nouvelle : c’est sur elle que se base la prospérité d’un État comme Venise et, étant collecteur d’impôts du Sultan, je n’ai fait qu’appliquer ici ce qu’on est habitué à faire là-bas.
Dans les stalles, résonnait encore l’énormité des chiffres. On était partagé entre la stupeur due à tout ce qu’on venait d’apprendre et l’inquiétude née de ce qu’on ne savait pas, mais qui devait être écrit dans ces maudits registres. On s’épiait les uns les autres et le grouillement soudain de mille suppositions paralysait les assistants. Ils se ressaisissent au bruit d’explosion que fait le registre en atterrissant sur la table du secrétaire.
- Du reste, Messeigneurs, je vous laisse décider entre vous ce qu’il y a lieu de faire. Ou vous acceptez de payer, ou le Sultan se servira lui-même. Ou la Hongrie demeure un royaume protégé par le Sultan, ou elle devient une simple province de son empire. Ne perdez pas de vue que Suleyman est plus puissant que vous et qu’il approche. Il est le loup que vous avez appelé pour vous protéger du renard autrichien. Et vous seriez avisés de nourrir le loup, puis de vous rendre capables de vous en protéger.
Enfin, s’adressant au Roi :
- Sire, je suis à votre service. Commandez, je vous obéirai. Vous avez le pouvoir de me renvoyer auprès du Sultan. Mais je n’ai pas celui de ramener les mille janissaires. Et une meute est encore plus dangereuse sans son chef. Surtout lorsqu’elle sait qu’une armée est en route.
Sur ces paroles, il s’incline et va s’asseoir.
Ce fut le dernier mot qu’Alvise Gritti prononça à la diète de Buda.
(Extrait de : "Le brûlot de Clissa / Cinquecento 4").
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- Et je n’en ai pas fini, Laura. Oui, laissez ma rhétorique, comme vous dites, suivre son cours. Parce que maintenant, je veux vous parler de moi. A la place que j’occupe, ma mission est de consigner et signer les décisions prises en haut lieu au coup par coup, selon la configuration du moment du vaste chaudron à la surface duquel nous flottons. Décisions toujours appuyées sur d’excellentes raisons que je partage, mais décisions qui sont souvent totalement contradictoires entre elles. Au mieux, elles ne sont en contradiction qu’avec la morale. Cependant, comme gouverneur de l’appareil de l’État, c’est à dire de l’armée de fonctionnaires qui en font marcher la machine, il faut que je fasse appliquer ces décisions en démontrant qu’on marche droit. Car les hommes ont besoin de certitudes. Peu importe que l’on casse aujourd’hui ce qu’on avait mis longtemps à mettre en place, que nous passions des traités de commerce avec l’ennemi turc ; que le Pape soit l’ami, mais qu’on s’en défie ; que l’ennemi d’hier soit devenu l’ami d’aujourd’hui et inversement, pourvu que marche l’appareil de l’État; que les bœufs entrent, et le grain pour le pain, et le bois pour les galères, et l’argent pour nos besoins. Pour accomplir cela, il faut qu’on nous serve avec fidélité, donc il faut inspirer un sentiment de confiance, une impression de stabilité, voire d’immuabilité. A la place que j’occupe, j’ai deux fenêtres ouvertes sur l’extérieur. Chacune me renvoie un paysage différent. Cela donne une vision très étrange sur le monde, croyez-moi.
(Extrait de : "Les fortins de Venise / Cinquecento 1").
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Eh bien, puisque vous me le demandez, nous avons commencé par des petits pâtés de canard aux pruneaux arrosés de vin de Marsala.
– Fort bien, fit Aurelio qui ne boudait pas les bonnes choses.
– Ensuite, six douzaines d’huîtres agrémentées de vin clairet de la Loire ; pour suivre, des tostées de poutargues et de caviat ; puis huit perdreaux au verjus et deux chapons de Pola accompagnés d’un hochepot de légumes frais cueillis à Sant’Erasmo et d’un vin corsé de Dalmatie que je venais de découvrir en faisant escale à Spalato. Pour attendre, un entremets de confitures de fraises au miel et au gingembre ; le plat de résistance n’était qu’un chevreau rôti à l’estragon et paré à la manière des Normands, dont je pris la recette en Sicile ; quelques massepains en attendant le dessert d’une pièce montée de sucre aux oranges et cannelle et une parodelle accompagnée d’un vin muscat de Samos pour faire passer le tout. Trouvez-vous qu’il y ait là de quoi tuer un homme ?
– Un homme, sûrement pas, Girolamo, mais un régiment et vous avez une carcasse à résister à tout.
– Nous étions huit ! plaida le Capitanio.
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