AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de cinquecento


- Et je n’en ai pas fini, Laura. Oui, laissez ma rhétorique, comme vous dites, suivre son cours. Parce que maintenant, je veux vous parler de moi. A la place que j’occupe, ma mission est de consigner et signer les décisions prises en haut lieu au coup par coup, selon la configuration du moment du vaste chaudron à la surface duquel nous flottons. Décisions toujours appuyées sur d’excellentes raisons que je partage, mais décisions qui sont souvent totalement contradictoires entre elles. Au mieux, elles ne sont en contradiction qu’avec la morale. Cependant, comme gouverneur de l’appareil de l’État, c’est à dire de l’armée de fonctionnaires qui en font marcher la machine, il faut que je fasse appliquer ces décisions en démontrant qu’on marche droit. Car les hommes ont besoin de certitudes. Peu importe que l’on casse aujourd’hui ce qu’on avait mis longtemps à mettre en place, que nous passions des traités de commerce avec l’ennemi turc ; que le Pape soit l’ami, mais qu’on s’en défie ; que l’ennemi d’hier soit devenu l’ami d’aujourd’hui et inversement, pourvu que marche l’appareil de l’État; que les bœufs entrent, et le grain pour le pain, et le bois pour les galères, et l’argent pour nos besoins. Pour accomplir cela, il faut qu’on nous serve avec fidélité, donc il faut inspirer un sentiment de confiance, une impression de stabilité, voire d’immuabilité. A la place que j’occupe, j’ai deux fenêtres ouvertes sur l’extérieur. Chacune me renvoie un paysage différent. Cela donne une vision très étrange sur le monde, croyez-moi.
(Extrait de : "Les fortins de Venise / Cinquecento 1").
Commenter  J’apprécie          20





Ont apprécié cette citation (2)voir plus




{* *}