Le tombeau des naïades
Le long du bois couvert de givre, je marchais ; mes cheveux
devant ma bouche se fleurissaient de petits glaçons, et mes
sandales étaient lourdes de neige fangeuse et tassée.
Il me dit : « Que cherches-tu ? » — « Je suis la trace du satyre.
Ses petits pas fourchus alternent comme des trous dans un
manteau blanc. » Il me dit : « Les satyres sont morts.
« Les satyres et les nymphes aussi. Depuis trente ans, il n’a pas
fait un hiver aussi terrible. La trace que tu vois est celle d’un
bouc. Mais restons ici, où est leur tombeau. »
Et avec le fer de sa houe il cassa la glace de la source où jadis
riaient les naïades. Il prenait de grands morceaux froids, et les
soulevant vers le ciel pâle, il regardait au travers.
/Ed. Librairie Charpentier et Fasquelle, 1949