Pierre LOUS Le prince irrésolu : Relecture de l'uvre poétique (France Culture, 1978)
L'émission "Relecture", par Hubert Juin, diffusée le 3 février 1978 sur France Culture. Présence : Robert Fleury, Paul Dumont, Alain Kahn Sriber et Jean Louis Meunier.
Les Filles du Dieu
À André Walckenaer.
Elles avaient piqué des lotus dans leurs boucles
Et mouillé leurs cheveux avec des parfums lourds
Leurs flancs souples roulaient des houles de velours
Leurs longs yeux palpitaient comme des escarboucles.
Des couleuvres d’argent tournaient sur leurs bras nus
Des colliers descendaient sur leurs mamelles grises
Leurs souffles délicats erraient comme des brises
Dans leurs voix tristes et leurs rires ingénus.
Et les rougeurs des fleurs sur leurs bouches nocturnes
Tremblaient avec des somnolences taciturnes
Au bout de leurs doigts blancs ongulés de carmin
Et les sourds tapis bleus déroulaient le chemin
Où les filles du dieu, sur des fleurs de verveines,
Se charmaient l’une l’autre au cours des heures vaines.
Novembre 1890.
(« Astarté », 1891)
Je suis satisfait quand je referme un livre en emportant le souvenir d'une ligne qui m'ait fait penser. Jusqu'ici, tous ceux que j'ai ouverts contenaient cette ligne-là. Mais aucun ne m'a donné la seconde. Peut-être chacun de nous n'a-t-il qu'une seule chose à dire dans sa vie, et ceux qui ont tenté de parler plus longtemps furent de grands ambitieux. Combien je regrette davantage le silence irréparable des millions d'âmes qui se sont tues !
Ne crayonnez pas des boucles noires sur le pubis des Vénus nues. Si l’artiste représente la déesse sans poils, c’est que Vénus se rasait la motte.
Une femme qu'on n'a pas encore eue a quelque chose d'une vierge ; mais quel bon résultat, quelle surprise attendre d'un deuxième rendez-vous ? C'est déjà presque le mariage.
Hyacinthe ! Ô mon cœur ! Jeune dieu doux et blond !
Tes yeux sont lumière de la mer ! Ta bouche,
Le sang rouge du soir où mon soleil se couche...
Je t'aime, enfant câlin, cher aux bras d'Apollon.
Tu chantais, et ma lyre est moins douce, le long
Des rameaux suspendus que la brise effarouche
À frémir, que ta voix à chanter, quand je touche
Tes cheveux couronnés d'acanthe et de houblon.
Mais tu pars ! Tu me fuis pour les Portes d'Hercule ;
Va ! Rafraîchis tes mains dans le clair crépuscule
Des choses où descend l'âme antique. Et reviens,
Hyacinthe adoré ! Hyacinthe ! Hyacinthe !
Car je veux voir pour toujours les bois syriens
Ton beau corps étendu sur la rose et l'absinthe.
« Une lettre écrite en vers libre par Mr Oscar Wilde à un ami et traduite en vers rimés par un poète sans importance », 1893.
“Il fait déjà grand jour. Je devrais être levée. Mais le sommeil du matin est doux et la chaleur du lit me retient blottie. Je veux rester couchée encore.”
On s'agite, on lutte, on espère, quand une seule chose est précieuse : savoir titrer de l'instant qui passe toutes les joies qu'il peut donner, et ne quitter son lit que le moins possible.
PÉGASE
À José Maria de Heredia.
De ses quatre pieds purs faisant feu sur le sol,
La Bête chimérique et blanche s'écartèle,
Et son vierge poitrail qu'homme ni dieu n'attelle
S'éploie en un vivace et mystérieux vol.
Il monte, et la crinière éparse en auréole
Du cheval décroissant fait un astre immortel
Qui resplendit dans l'or du ciel nocturne, tel
Orion scintillant à l'air glacé d'Éole.
Et comme au temps où les esprits libres et beaux
Buvaient au flot sacré jailli sous les sabots
L'illusion des sidérales chevauchées,
Les Poètes en deuil de leurs cultes perdus
Imaginent encor sous leurs mains approchées
L'étalon blanc bondir dans les cieux défendus.
Eh bien, vous êtes vif! dit-elle. Nous emménageons hier, maman, mes soeurs et moi. Vous me rencontrez aujourd'hui dans l'escalier. vous m'embrassez, vous me poussez chez vous, la porte se referme... Et voilà. (incipit).
Au catéchisme, si le jeune vicaire vous demande ce que c’est que la luxure, ne lui répondez pas en rigolant : « Nous le savons mieux que vous ! »