Pierre Rabhi

Ouvrier agricole en Ardèche, j'ai donc eu la chance de partager un peu de ma vie avec des paysans des Cévennes, auxquels je garde, au fond de ma mémoire, un fort attachement et une grande affection. Comment oublier le vieux Froment qui, malgré ses quatre vingt cinq ans, ou peut-être à cause de son âge, gardait la cadence ? Tôt levé, un petit déjeuner frugal et il m'entrainait vers ses chantiers pour lui servir de manœuvre, pour relever les murs effondres qui retenait la terre plantée de vignes. Un peu sourd, la mémoire un peu défaillante, il fut pour moi comme un père spirituel, sans autre enseignement ou précepte qu'un labeur tranquille, où chaque geste évoquait dans sa précision un rituel millénaire. Je n'ai jamais vu au Nord comme au Sud, courir un authentique paysan, et, s'il est contraint de le faire, il le fait gauchement.