Les mollets nus tremblent sous la petite jupe, mais le pied ferme redonne un coup sec sur la pédale. Et en avant ! La lumière si faible de la grande bicyclette s'infiltre à nouveau dans ce noir nocturne, et la petite lueur avance en vacillant dans la nuée adverse. Oh !, elle n'éclaire rien ! Presque rien. Mais c'est une vivante luciole. Tenace. Heurtant les cailloux, la roue avant se soulève et le vélo se cabre comme un étalon sauvage. La poitrine frappe sur le guidon qui grince en s'agitant et fait tituber le vélo. Redresser, et avancer, vite, vite, vite. Le visage reste droit, mais ses yeux rougis par la fatigue ne voient presque rien. Avancer pourtant. Avancer, vite. Avancer sans voir, seulement deviner, garder les mains auxquelles le froid ne fait plus rien sentir, garder les mains sur le guidon glacé. Avancer encore. Pédaler contre le vent mesquin provoquant des frissons sous la jupe, mais qu'importe !... les jambes ne sentent plus rien non plus. Le corps s'oublie dans la course et sur le chemin qui mène à Compiègne entre les arbres, Alix ne pense déjà plus. Plongée tête en avant, l'adolescente, l'adolescente déjà adulte, roule dans la nuit sous cette pluie d'automne sans force, jamais violente, toujours glaciale.