Un jour, après le conservatoire, je me souviens, il pleuvait des cordes. Je m’étais précipité dans le bus avec mes camarades. Mon père s’y trouvait déjà, monté à un arrêt précédent, il rentrait du travail. En me voyant, il avait baissé la tête et était descendu à l’arrêt suivant, si loin de notre cité. À travers la vitre, je l’avais vu marcher le long de la voie du bus remontant le col de sa veste. Une heure plus tard, il était arrivé trempé à la maison. Je n’avais pas su ni même lui demander pourquoi il était descendu. Mon père redoutait que sa seule présence me fasse honte devant mes amis musiciens. « Je ne suis pas assez bien pour lui et la vie qu’il doit mener », voilà sans doute ce qu’il s’était dit.
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