bon à rien
je rentre chez moi après des années passées
en long en large et à travers Bucarest
et je rentre les mains vides
et elle sort et me dit dès qu’elle me voit
mais mon cher tu disais partir faire fortune
tu disais aller gagner en deux ans plus que d’autres en quatre
et voilà que maintenant tu viens avec rien
mais oui c’est vrai mes chers c’est tout à fait ça
j’ai vraiment gagné rien
et j’apporte tellement de rien à la maison
comme personne n’a pu ramasser pendant ces années
j’ai même pas pu transporter seul tant de rien gagné
derrière moi viennent les voitures chargées de rien
prêtes à casser sous le poids
quand on va les délester dans la cour
nous serons les seuls au monde à détenir autant de rien
dans quelques printemps ce rien sera plus recherché que l’or
et nous allons en vendre seulement quand il sera fort bien coté
soyez sûrs mes chers personne n’a autant de rien
j’en ai tant amassé pendant ces années en pensant à vous
qu’il ne reste plus rien dans les rêves des gens trépanés par la fortune
Ioan Es Pop
(p. 25)