Jour d’automne
Seigneur il est maintenant temps.
L’été fut très grand
Repose ton ombre sur les cadrans solaires
et détache les vents sur les plaines.
Ordonne aux derniers fruits d’être pleins
accorde-leur encore deux jours du sud
Force-les à la plénitude et chasse
les dernières douceurs dans le vin lourd.
Qui maintenant n’a point de maison, n’en bâtira plus
qui maintenant est seul, le restera longtemps
il veillera, lira, écrira de longues lettres
et inquiet, fera les cent pas dans les allées
quand les feuilles tournent en rond.
Rainer Maria Rilke, 21.9.1902, Paris
Souvenir
Et tu attends, et tu attends l’unique,
qui amplifie à l’infini ta vie ;
La puissante, l’extrême,
le réveil des pierres,
profondeurs, qui t’appartiennent.
S’assombrissent dans les bibliothèques
les volumes en or et bruns ;
et tu songes en ces pays traversés,
à des tableaux, aux robes
de femmes à nouveaux perdues.
Et alors tu sais enfin : c’était bien cela.
tu te redresses, et devant toi se tient
une année écoulée
peur et figure et prière.
Rainer Maria Rilke, 1902-06,