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Citation de Immortale_peruviana


Rainer Maria Rilke
Tu es le pauvre, le dénué de tout,
tu es la pierre qui roule sans trouver le repos,
tu es le lépreux hideux dont on se détourne
et qui rôde autour des villes avec son grelot.
Pas plus que le vent tu n’as de lieu
et ta beauté cache mal que tu es nu
et même le vêtement qu’un orphelin met en semaine est
plus somptueux,
car au moins il lui appartient.
Tu es pauvre comme le besoin de naître d’un enfant
dans une fille honteuse d’être mère
et qui serre son ventre au risque d’étouffer
l’autre vie qu’elle porte et qui tressaille en elle.
Tu es pauvre comme une pluie printanière
qui descend doucement sur les toits d’une ville
et comme le seul vou chéri d’un prisonnier
au fond de sa cellule à jamais hors du monde.
Tu es pauvre comme les malades qui dans la nuit
se retournent sans cesse et sont presque heureux
et comme les fleurs entre les rails
si tristes dans le vent confus des voyages
et comme la main qui monte aux yeux pour cacher des
larmes trop tristes.
Et que sont, devant toi, tous les oiseaux qui
tremblent?
Qu’est-ce, devant toi, qu’un chien affamé?
Qu’est-ce, pour toi la longue et silencieuse tristesse
des bêtes
abandonnées de tous dans la captivité?
Et devant toi et ta misère
que sont tous les pauvres des asiles de nuit?
Ils ne sont que d’humbles cailloux,
et pourtant comme la pierre de meule d’un moulin,
ils donnent un peu de pain.
Mais toi tu es vraiment le pauvre, le dénué de tout,
tu es le mendiant qui se cache la face;
tu es la grande lumière de la pauvreté
auprès de qui l’or semble terne.
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