La musique devenait le palais merveilleux des sens, le lieu magique de toutes les intensités, l’ultime arche tissant les liens des Arts. C’était l’entrée dans le château des regards (…) (Le Virtuose, p. 61)
J'ai traversé la Chine vers son ultime refuge. J'ai sondé et combattu les plus abjectes de mes pensées. J'ai détruit tous les subterfuges, épuisé les forces vives de mon corps. Je pouvais commencer mon initiation. Le maître posa ses mains sur ma frêle épaule :
"Ici maintenant tu ne seras que souffle, tu ne penseras que vie, énergie et élan. Tu oublieras le passé, tu raviras au présent toute sa plénitude, toute sa délicatesse, Tu deviendras mon disciple. Je t'apprendrai l'art de la calligraphie et du paysage." (p. 58)
Nous serons pour toujours les prisonniers du château des regards. (p. 29)
« Voudriez-vous, cher ami, que je vous montre une invention qui permettra enfin l’Art total ? La musique est pour moi peintures. À chaque tonalité, à chaque son correspond une couleur, et mes sonates pour piano deviennent de véritables fresques animées, exubérantes de couleurs chaudes et violentes. Ce sont des oppositions entre les bleus et les oranges, entre le noir et le lever du jaune, entre les verts de la forêt et le blanc des bouleaux dans les campagnes russes. » (Maestro, p. 77)
Je vois un paravent : pins dans la montagne. Un sentier semble se dessiner à travers les arbres. Pourquoi ne pas l'emprunter ? Remonter le passé ? Trouver un pavillon, découvrir la grotte d'une renarde, aspirer à une vie monacale ? Je m'évade. Mes pas me portent dans le bois. Senteurs de la terre humide, des cyclamens. Des azalées. Au détour d'un ravin, une source jaillit. J'humecte mes lèvres desséchées par le voyage. Je m'étends sous les ombrages d'un sophora. (p. 76)
J’étais dans la plus grande salle de la section égyptienne. Je m’introduisis rapidement dans le sarcophage vertical en bois d’une déesse et le refermai doucement, laissant une lègère ouverture. Ce sarcophage était orné de hiéroglyphes mystérieux, d’un dessin de prêtresse vêtue de blanc et portant des offrandes. J’admirais la finesse intérieure de ce monument funéraire qui devait être le passage dans l’autre monde. (Histoire d’un brigand, p. 33)
Étais-je cet Endymion que la lune caresse et qui reste endormi sous sa lumière céleste ? J’étais éveillé et fasciné par ces bourdonnements de lueurs, rapides mouvements de flux et de couleurs. Je regardais le cœur de la fleur, et je l’enlaçai du regard. C’est alors qu’une voix à peine audible murmura une parole indistincte. Quelle était cette voix ? D’où venait-elle ? Une Naïade sortit brusquement de la fleur. (Nymphéas, p. 39)
Que vos sens s’éveillent ! Laissez-moi vous guider, que vous pénétriez dans ce labyrinthe où se mêlent les voix anciennes qui résonnent, les légendes, les amours défendus, les passions inflexibles que la mort ne ronge pas. Laissez-moi vous chanter les airs de Figaro, ou du maître des étangs qui guida Rusalka ! Laissez-moi vous narrer Rigoletto, le tragique engrenage qui noya sont enfant ! Suivez mes pas ! (Opéra, p. 51-52)
Cérémonie du thé sur une large planche en bois strié de lignes où sont disposées les théières gravées de poèmes par le maître de la demeure. Mes lèvres s'humectent d'un thé vert du Yunan. Mes yeux se posent sur les armoires finement sculptées : vide et plein, rond et carré, volutes sur lesquelles reposent des vases aux fleurs de lotus et de prunus. (p. 38)
Je vous parle d'un monde imaginaire, difficilement accessible, que les hommes et les femmes voient, mais dont ils ne connaissent ni la puissance, ni l'envoûtement. Ce monde parallèle que nous côtoyons recèle surprises, interdits, excès, symboles, hantises.
Laissez-vous guider dans ces méandres au coeur même de la création. (Le château des regards , p. 7)