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Citation de Rosedeslivres


La lumière m’aveugle et je me retrouve transporté dans un autre rêve, au début du printemps, au sein d’un verger entouré d’une forêt aux arbres centenaires. Je suis dans une clairière comme une île au milieu d’un océan d’arbres. Des odeurs fleuries passent dans les courants d’air. Je cligne des yeux pour bien me rendre compte où je me trouve. C’est un tout nouveau rêve que je commence, ou une nouvelle vision que j’ai. L’aire a été défrichée au cœur de la forêt par l’homme qui y a planté un verger. Et cet endroit a une beauté particulière. Les arbres fruitiers sont plantés en ronds, plus précisément en deux cercles, ce qui me fait penser étrangement à Stonehenge. Autour de cette zone délimitée par l’homme la forêt bouge, bientôt un vent se lève et vient jouer dans le verger comme un ami qui vient se présenter. Il détache des fleurs de pommiers et de cerisiers pour les faire voler en l’air de façon désordonnée, et j’observe les pétales cotonneux qui semblent s’amuser comme s’ils avaient une vie propre, comme de jeunes enfants qui auraient le droit de courir dans le ciel avant de se poser. Je reste sans bouger, saisi d’émerveillement. De gros nuages galopent aux cieux sans que l’on sache si un orage de printemps s’apprête à éclater et la terre déborde d’une énergie de fête. Le ciel est soudain acclamé par le chœur des arbres de la forêt. C’en est impressionnant. Une pluie fine tombe en pleine éclaircie. Je cherche un arc-en-ciel que je ne trouve pas à cause du vent qui déplace trop vite un troupeau de nuées. Je remarque que les gouttes renferment dans leur cristal une parcelle froide de soleil. J’écoute le chant des arbres ; comme j’aimerais comprendre leur langage. Le ciel qui se bouche se perce bientôt de grands fleuves lumineux. La lumière avec de grandes jambes en inclinaison se joue de moi et je crois voir un dieu
silencieux marcher au-dessus de la forêt. L’air devient froid avec le vent, aussi froid que la rivière, et il m’arrache une larme dans la beauté de l’instant. Et dans ce chant bruyant de feuilles acclamant la pluie, mendiant l’orage, je me dirige vers un arbre mort que la foudre a fendu. J’y découvre un groupe d’abeilles qui s’envolent dans un tourbillon s’élevant. L’auguste tronc est dur et semble l’os nu d’un Léviathan. Poli et blanchi par les années, il se dresse telle la colonne blanche d’un palais dont il serait le dernier vestige. Le vent qui a forci dans la forêt libère des nuages pollinisateurs. Des jambes de lumière marchent et s’en vont, avec tant de force et de silence quand elles passent sur vous qu’on croit qu’elles vous bénissent, mais elles disparaissent aussitôt, et vous attendez déjà leur retour. Comme si un géant invisible ne cessait de fouler sa terre pour l’ensemencer. Comme j’aimerais courir avec lui sur la mer des nuages. Dans ce jeu d’obscurité que percent des pas éblouissants, je ne sais plus où mon attention doit se porter. Alors, c’est vers cet arbre mort qu’ambre la lueur de l’orage que je marche, auréolé d’une pluie de poussière, et je m’en vais porter humblement l’amour aux baies, aux fleurs, aux groseilles, avec mes vêtements tout tachés de pollen. Le large tronc a une fissure dans l’écorce où je vois luire un cœur d’or, brillant comme la généreuse blessure d’une âme trop riche. En m’approchant, je devine le miel précieusement préparé par les abeilles dont j’entends le bourdonnement. L’orage approche dans une surabondance de forces et les fleurs des champs s’aplatissent comme des enfants ivres de joie dans des manèges à sensations. Je me demande soudain qui a planté ce verger, et à quel seigneur appartenait cette cabane défoncée sous un vieux marronnier. Alors j’appelle dans les tours du vent, je crie un époumonant « hé ! ho ! », comme si je devais moi aussi hurler de joie pour appeler l’orage, pour participer à la célébration du printemps. J’appelle encore et encore ce qui semble donner du courage au vent qui forcit davantage, comme encouragé sous l’effet de mes vivats. C’est là que je remarque le cerf qui m’observait depuis la lisière de la forêt. Je m’apprête à lui parler, mais déjà j’ouvre mes yeux.
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