Certains écrivains, amateurs d'étymologies, sont très fiers quand ils ont fait rétrograder un mot français vers la signification stricte qu'il avait en latin; c'est un plaisir dangereux dont on abusa au seizième siècle. Des mots tels que montre, règle, ne possèdent d'autre sens que ceux que leur donne la phrase où ils figurent; cahier, voulant dire un assemblage de quatre choses, n'est représentatif d'un objet déterminé que parce que nous ignorons son origine; le mot d'où il est né, quaternus, a reparu en français moderne sous la forme médiocre de quaterne, M. Darmesteter a analysé dans sa Vie
des Mots douze significations du mot timbre, qui vient de tympanum; il y en a d'autres, mais quel qu'en soit le nombre, nous ne les confondons jamais, pas plus que nous ne sommes troublés par la distance qu'il y a entre calmar,
au sens de plumier, et calmar, au sens de seiche monstrueuse : quel travail s'il nous fallait retrouver dans les douze ou quinze significations de timbre l'idée de tambour et dans calmar l'idée de roseau. Le mot arrive quelquefois à un sens absolument contradictoire avec son étymologie : un exemple assez connu mais curieux est celui de cadran, venu de quadrantem, qui avait pris la signification de carré. Le verbe tuer vient littéralement du latin tutari (protéger).