Distances
7
quelquefois je rêve
au nouveau dédale
je rêve – il y a
de puissantes paroles
à dire ! à faire ! et
la terre intacte ! le
soleil droit ! je rêve
derrière les grilles
des étouffements
des alphabets gris-
âtres dans les trous
de taupe les rites les
yeux des mouches, et pour-
quoi dis-je l’aventure
de rêver quelle autre
fièvre pour quel massif
de lilas pour quel
buisson de hourras
le temps qui nous accouche
d’hommes et d’orages, je
rêve aussi parfois
de l’assaut furieux
des jours et les mots
aux portes frappent comme
au commencement
//Lionel Ray (19/01/1935-)
Distances
2
Extrait 2
et vous répondiez
nommant les fêtes les
grilles le fracas
les viandes les chaînes
parlant de paroles
vous étiez clairs proches
comme un chiffre comme
l’invention avec
des rires des lanternes
pour trouer l’ombre ou
la voix assurée
la voix par millions
par fleuves par routes
vous et moi ensemble
aveugles vous aussi
//Lionel Ray (19/01/1935-)
à faire
Quand tu ne sais pas
quoi faire de tes mains
mange-les
ou passe-les dans tes cheveux
Arrête une certaine femme
rencontrée dans la rue
pourvu qu'elle soit belle
prends-la dans tes bras
Touche-lui les seins
puis doucement
déchire ses vêtements
en riant
Si elle te demande
quelque chose en échange
de son linge
descelle un pavé ou deux
Et jette-les dans la première
vitrine venue
une lingerie
de préférence
Puis couvre de vêtements
cette femme nue
d'étoffe de feu de soies
sereines de velours
Ensuite et seulement
avec du verre
coupe ta main et
barbouille son visage de sang
Et l'éclair d'un instant
lui offrant ta vie à genoux
baise-lui les mains
seulement
Paul-Louis ROSSI, (04/11/1993) douze poèmes pour les jeux des vilains, p.60-61
l'idéal
Je pense à l'eau
à l'au-delà
à l'eau de lait
à l'eau de lait du lac
à l'eau du lac
à l'au-delà du lac
Paul-Louis ROSSI, (04/11/1993) douze poèmes pour les jeux des vilains, p.57
Khlebnikov n'est pas un collectionneur de thèmes qui se proposeraient de l'extérieur. Il est peu probable que pour lui puisse exister ce terme : thème donné, tâche. La méthode de l'artiste, son visage, sa vision se transforment en thèmes. Khlebnikov lui-même "prédit" ses thèmes. Il faut prendre en compte la force et l'intégrité de ce rapport pour comprendre comment Khlebnikov, révolutionnaire du mot, "a prédit" dans son article numérique la révolution. (Iouri Tynianov - Sur Khlebnikov - 1928)
Distances
2
Extrait 1
vous aussi aveugles
vous aviez des joies
pourpres comme des princes
des réponses pour le
désir et la mort
vous aviez des mains
pour la fièvre je sais
vous pouviez garder
la folie en laisse
en otage rieuse
il y avait des
fleurs aussi et des
mots essentiels des
trains pour le départ
des terres jeunes toujours
…
//Lionel Ray (19/01/1935-)
Distances
1
Extrait 1
ce n’est plus un chant
(l’effort perdu le
mauvais usage de
la musique) ou ce
qu’il faut pour changer
de joie ! détruisant
le regard même, ou
la féroce clarté
du regard (les graines
souffrent aussi sombres)
…
//Lionel Ray (19/01/1935-)
L'or faux des sapins de Noël
Flamboie au milieu des forêts.
Dans les fourrés des loups-jouets
Ouvrent leurs terribles prunelles.
O mon amertume augurale,
O ma liberté non sonore,
Et de la voûte du ciel mort
L'éternel rire de cristal.
(Mandelstam - 1908)
Distances
1
Extrait 2
maintenant que je
suis nul et froid, sans
le moindre feu aux
lèvres, et rien n’est sûr
ailleurs (le néant
même) et ras, désert,
rejeté du temps,
l’opéra défait :
les oiseaux tombent, le
ciel pourrit, l’eau m’é-
touffe ! ce n’est plus un
chant (aux limites du
monstre) ou me taire ou
le visage privé
d’aube, et rien rien rien !
//Lionel Ray (19/01/1935-)
Distances
4
Extrait 2
un pays de femmes
franches et de chaleur
j’étais peut-être un
nom imprécis ou
un commencement
de forêts une note
nouvelle ! et j’ai cru
vivre comme vit le vin
dans la rareté
avec un soleil sombre
en moi, à hauteur
de terre et de lèvres !
je parlais sans honte
feu épanouissant
sans trop de dégoût
//Lionel Ray (19/01/1935-)