JE REVIENS…
Extrait 2
je dégorge, oui, je dégorge, chêne visage tank clôture araignée sirènes avenues nébuleuses éponge silo journal primevère tour à genoux tarmac nombril muraille cellule volcan
je vois ce que j’entends, le langage est mes yeux, je serre les dents, je dis trop, arrêtez, mais je continue, je laisse filer muraille volcan abysses fourmi
je suis une énumération muette & son grouillement de syllabes, je bafouille, des cris me déchirent, je fouille une décharge de mots usés, de bribes de phrases que je ne comprends plus
de mes yeux sortent des soleils & des nuits, de ma bouche des vols serrés d’oies sauvages, mes doigts touchent un horizon de flammes, mes pieds pataugent dans le sang
je suis trop loin pour moi, je me défais, je me dilue, ma parole est un fleuve sale où moussent les rhétoriques, où s’effilochent les taches huileuses de proses filandreuses, les poèmes morts ventre en l’air, une pollution de discours, une entropie de langues tournoyantes
//Jacques Ancet, Ode au recommencement, Autre Sud, Cahiers trimestriels, n° 47, décembre 2009
JE REVIENS…
Extrait 1
Je reviens, mais qui revient dans ce revenir, les portes se ferment, les crépuscules ressemblent aux aurores & qu’est-ce que je cherche à dire de ce dire impossible
dans ce souffle qui me traverse, m’ôtant les mots de la bouche, me les dictant, & ce qui parle en moi, ça n’est pas moi
c’est la voix sans voix, & je voudrais l’entendre, & je n’entends que le silence têtu qu’il en reste, cette sorte de stupeur
comme une réponse avant la question, comme des mots articulés avant que je les prononce & qui m’emportent dans leur désordre refusé
car c’est un ordre que je cherche, un fil pour réunir tous ces éclats épars, quelque chose où je me reconnaîtrais mais comment me reconnaître dans ces vagues une à une poussées par quel vent, quel obscur courant & je veux me taire et leur écume vient me blanchir la bouche
…
//Jacques Ancet, Ode au recommencement, Autre Sud, Cahiers trimestriels, n° 47, décembre 2009