Personne n’est défini une fois pour toutes par des limites de langue, de territoire ou d’appartenance. Chacun est en devenir.
Les survivants du génocide de 1915 qui empruntent les chemins de l’exil seront des réfugiés apatrides, pour la plupart orphelins, et porteurs d’un passeport où figure la mention du ”sans-retour” possible. Il y a donc nécessité de mettre au jour des pratiques sociales concrètes de territorialisation (par exemple la formation de quartiers spécifiques) avec des représentations. L’imaginaire collectif déploie les thèmes de la patrie perdue, d’un impensé généalogique, des territoires abandonnés, confisqués et engloutis, sans compter le thème de la perpétuelle errance migratoire.
Le travail de mémoire autour du phénomène de diaspora fait ainsi apparaître la dimension du territoire sous de multiples aspects et significations : territoire inventé, territoire de l’échange, mythe du retour au territoire, territoire de l’exil, territoire national et transnational, territoire politique, territoire circulaire.
La nation, en tant que ”communauté politique imaginaire et imaginée comme intrinsèquement limitée et souveraine” selon Benedict Anderson, puise sa raison d’être dans ce que Hobsbawn signifie ainsi : ”Elle naît du besoin de combler le vide affectif laissé par la disparition, la désintégration ou encore l’indisponibilité des communautés humaines et des réseaux réels”. ”L’introduction des aspects culturels traduit une ancienne existence et la référence à la tradition confère au passé une sorte d’autorité transcendante”.
Nous devons absolument tenir compte de l’existence d’un niveau d’appartenance moins malléable que la stratégie identitaire. Ce niveau déploie des références culturelles formant une toile, un arrière-fond sur lequel l’individu inscrira son propre registre identitaire, une sorte d’idée de la nation référée à un ensemble d’associations historiques avec un lieu précis et la rupture violente avec ce lieu.
Le mode d’existence des diasporas – le transnationalisme et l’exil – ne peut se maintenir qu’en présence d’un mythe constamment ritualisé, témoignant de la fin d’une histoire et en même temps de son nouveau commencement.
La singularité de l’exil est une expérience du ”hors-lieu”, une sorte de culture de la survivance, un sentiment de ”dépropriation du sentiment d’existence”, à ne pas confondre avec un déplacement migratoire