Isaïe 33
Malheur à toi qui saccages
et jamais ne fut saccagé.
Tu as savouré la soif et la faim d’autrui,
tu as offusqué et tu as brisé.
Ainsi as-tu entendu le bruit de tes pas : en marchant
comme si tu écrasais des insectes.
Tu t’es bâti une demeure bien confortable
à l’étage le plus élevé de ton idée du monde.
Dieu habitait tes taches de rousseur, ta bonne santé,
ton placard bien pourvu de réponses à tout.
Ta bouche s’est complu dans ton discours à autrui,
mais tu ne voyais que tes yeux bleus
et tes cheveux blonds comme les blés :
tu nous avais aussi imposé ta beauté.
Mais tu ne peux plus revenir en arrière, tu t’es vidé
sur la tête la corne d’abondance du monde.
Et voici que ta volonté se fait de moins en moins ferme,
dans ta volonté rampent de petits asticots.
Tes bottes glisseront poisseuses de sang.
Attila,
là où tu passes
fleurissent les morts pour te combattre.
Remember Vietnam.
Remember
( Décembre 1969)
// José Carlos Becerra (1936- 1970)
/ Traduit de l’espagnol par Bruno Grégoire et Jean-François Hatchondo
Sur la destruction du port de Beyrouth » (août 2020)
QUIA ABSURDUM
J’écris en lettres translucides
derrière ce qui ne se cache pas
de revenir vers les pays
où les vagues font cavalier seul
et les pierres ne veulent pas mourir
hormis cet éloigné ressac
de mots à l’intérieur de quoi
partir ne pose plus de question
qu’en déchiffrant ce qui s’arrache
aux slogans renversés des murs
où tous les gestes se rejoignent
le temps qu’un éblouissement
ne rende la vue aux ténèbres
des deux côtés d’un même éclair
pour retrouver un avenir
qui ne soit pas vécu d’avance
et que l’immobilité s’élance
là où rien ne s’arrête plus
// Dominique Grandmont (25/01/1941 - )