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Citation de Partemps


Revue NU(e)
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Si les
grandes réclamations, celles d’Annie Leclerc ou de Gisèle Halimi, par exemple,
contre un phallocentrisme dévalorisant le travail de la mère et la sensibilité qui
peut la motiver dans les tâches qu’elle assume, ou pire, menant à des violences
sexuelles ou autres insuffisamment criminalisées contre la femme – si de telles
questions concernent nécessairement dans leur vie personnelle toutes les poètes
dont je parle, tout comme chaque homme digne de son humanité, le poème est
rarement conçu comme le site d’une protestation ou attaque frontale, ses ambitions
se révélant presque toujours d’une grande et subtile complexité éthique et
spirituelle, fuyant la flagrance de l’intention et de l’argument. L’acte de présence,
de prise de possession de sa propre présence au monde que représente l’écriture
aux yeux d’Hélène Cixous, intiment liée à ce que Bérénice Levet nomme
‘l’enveloppe charnelle’, voici plutôt la perspective selon laquelle ces grandes
urgences socio-politiques sont digérées dans un geste d’attention à la fois plus
vaste et intimement surgissant dans son inimitable particularité quoique frôlant ce
têtu indicible au sein du dire. Geste d’attention qui sait embrasser les incessantes et
mouvantes intrications de l’esprit capable de vivre, sentir, inscrire simultanément
la beauté d’une aile d’abeille, le choc d’un corps saignant, la caresse mentale ou
sensuelle des lèvres aimées ou désirées, un sentiment d’impuissance ou de futilité,
le bruit du vent dans les hauts fûts, la générosité d’un inconnu, le besoin de rire ou
pleurer où rien ne semble le justifier, toute la gamme du quotidien imbriqué
inséparablement dans l’onirique, l’imaginaire, le phantasmatique.
Si, d’ailleurs, le rêve d’un modèle de poétique féminine englobante,
harmonisée, que caressent certaines critiques féministes comme Joséphine
Donovan, semblerait ainsi difficile à concrétiser dans une lecture théorisante de
l’ensemble des œuvres analysées ici – j’y reviendrai dans ma conclusion – c’est
non seulement à cause des particularités de ce geste d’attention braqué par chaque
voix de femme sur son vécu, c’est aussi parce que chaque voix n’est jamais fixe,
stable, étant intrinsèquement mouvance, devenir, vaste et inlassable continuité de
ce que Derrida appelle les à jamais jaillissants ‘restes’ de ce qui est pensé, senti,
articulé.
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