J’ai lu les vies des artistes &, comme les vies des saints, la grandeur semble imprimer sa marque sur eux dès l’origine. À la naissance, dit-on, leurs doigts font de grands gestes de peintre, attendant simplement un pinceau chargé de couleurs & une toile à remplir des images avec lesquelles ils semblent être nés, comme par autant d’immaculées conceptions.
Mais l’art est une sentence répressive, pas un droit de naissance, & rien dans mes premiers ans ne suggère une aptitude ou même un intérêt artistique, mes distractions & mes fascinations relevant presque toutes de ce qui pouvait être – & était bel et bien – jugé simplement le fait d’un coquin. Et j’ai beau être, bien sûr, le héros de mon récit, ne serait-ce parce que je suis vraiment incapable d’imaginer que n’importe qui d’autre veuille l’être, mon histoire n’est pas une resucée du mythe d’Orphée, mais l’histoire dégradée d’un rat d’égout.