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Citation de RChris


Au XVIIIe siècle, l'influence de la capitale sur la civilisation ne cesse de grandir. On pense, bien sûr, en premier lieu aux idées des philosophes qui conduisent à la Révolution. Plus feutrée, la féminisation de la société urbaine joue également un rôle fondamental. Elle va bien au-delà des apparences frivoles, souvent associées (sur un ton sévère) à la galanterie de l'époque. Certes, la longue marche des femmes en vue de leur libération ne fait que commencer. Elle emprunte alors une voie étroite, sévèrement jugée par les moralistes pressés, quí érige la séduction féminine en principe actif de corrosion de la domination masculine. Pouvait-il en aller autrement dans un univers où les pouvoirs et les savoírs établis leur niaient toute possibilité d'indépendance et condamnaíent la plupart d'entre elles à une tutelle maritale infantilisante? Privées d'autonomie, n'ayant pas encore gagné le droit à une éducatíon identique à celle des hommes, même parmi les privilégiées, malgré les efforts des précieuses, elles commencent seulement à contrecarrer le principe de supériorité virile en obligeant les séducteurs impatients à prendre les formes et le temps de les conquérir, si elles le veulent bien. Le siècle enregistre un évident glissement vers le plaisir parmi les élites dominantes. La société de Cour en donne l'exemple. Imitant un roi peu empressé à chevaucher à la tête de ses armées, nombre d'aristocrates recherchent moins que par le passé la gloire des champs de bataille, préférant s'amollir dans les délices de Capoue d'une existence raffinée. A l'époque de la guerre en dentelles, la preuve de virilité migre des victoires militaires aux prouesses amoureuses. A Paris, triomphe un art de vivre trés délicat, dont les créatíons, telle la porcelaine de Sèvres, évoquent souvent ou mettent en valeur la beauté gracieuse du corps féminin. L'univers des gens de qualité est saturé d'un érotisme doux, tout comme les peintures de François Boucher ou de Jean-Honoré Fragonard. La féminisation croissante du monde des nantis et d'une probable fraction des couches moyennes bourgeoises s'appuie également sur des changements de sensibilité collective. Les grands romans, "Manon Lescaut" , de l'abbé Prévost en 1731, "La Nouvelle Héloïse" , de Jean-Jacques Rousseau en 1761, "Paul et Virginie" , de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre en 1788, se mettent à exalter la passion pour elle-même, y compris si elle se révèle fatale ou peu vertueuse.
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