Les plaisirs procurés par un grand bourgogne sont souvent fugaces : c'est de la musique - alors que le bordeaux, c'est de l'architecture. On a pu parler du bourgogne rouge comme d'une main de fer dans un gant de velours. Ce sont des vins qui vous poussent à y revenir encore et toujours.
- Vous connaissez la différence entre un bon vin et un grand vin ? demanda Barge avec un regard entendu.
Je réfléchis quelques instants, tout en écoutant les flammes dévorantes et l'appel d'air dans la cheminée. Les grands vins offrent souvent un élément de surprise, de complexité, qui se déploie gorgée après gorgée, verre après verre. Parfois leurs charmes sont fugaces, éphémères. Séduisants, voire transcendants. Une chose était sûre : les grands vins se buvaient toujours en grande compagnie...
Barge interrompit ma rêverie.
- Un bon vin, c'est un vin que vous trouvez bon. Un grand vin, c'est un vin dont vous vous souvenez. Et tout le reste... n'est que littérature.
Aucun produit de la terre ne nous touche comme le vin. Les hommes lui donnent sa forme et son âme, mais le vin lui-même forme celui qui le cultive, bien souvent à un niveau profondément spirituel. Dans les vignobles français, j'ai rencontré nombre de personnes dotées d'une grâce, d'une humilité, d'un bon sens et d'une sagesse peu communs. Dans la compagnie de ces petits vignerons passionnés, ce que j'ai éprouvé était très proche de ce que l'on ressent chez soi.
La formule de la grande viticulture n'existe pas. Mais il est une chose que les grands vins ont en commun : être l'œuvre d'un viticulteur proche de ses vins, qui travaille sa vigne lui-même. Admettons que je rencontre un viticulteur à l'automne, en période de vendanges ; s'il a les mains bien propres et manucurées, il y a peu de chances que j'achète son vin.