Dans l’Antiquité, même chez un philosophe du plaisir et du corps comme Épicure, il s’agit de couper des désirs, de pratiquer une forme d’amputation qui n’a rigoureusement rien à voir avec l’idée de « vivre sans temps morts et jouir sans entraves ». Épicure, comme par ailleurs le Bouddha, se compare à un chirurgien qui soigne, redresse mais aussi supprime des égarements pour procurer une forme d’équilibre. Leur question n’est pas : « Pour quelle satisfaction allez-vous craquer ? À quels plaisirs allez-vous céder ? Quels désirs allez-vous réaliser pour être heureux ? » Leur interrogation centrale est au contraire : « De quoi allez-vous donc devoir vous séparer ? Qu’allez-vous laisser tomber ? De quoi devez-vous vous détacher ? » Épicurisme ou bouddhisme, mais aussi stoïcisme, cynisme, scepticisme sont des thérapies de l’austérité, du renoncement, voire de l’amputation – bien plus que des méthodes d’acquisition du bonheur par la jouissance.