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Citation de Charybde2


Ruisselant, Anton se tenait debout devant elle, son anneau croulant de poissons, la bouche bleue et la taille lacérée par leurs nageoires. Il déposa sa pêche sur le sol et s’assit en tailleur entre les jambes de Lena. C’étaient invariablement les mêmes poissons qu’il pêchait, les seuls qu’il sortait quotidiennement de l’eau. Ils avaient proliféré avec les années, supplantant toutes les autres espèces dont vivait autrefois le village, à moins que celles-ci ne se soient peu à peu conformées à cette même et unique apparence : de superbes bêtes aux couleurs chatoyantes, aux ouïes bayantes et foliacées et aux yeux de mercure, couvertes de rayons multicolores tranchants comme des lames de canif. Avec le temps, Lena avait appris à neutraliser l’âcreté de leur chair en les fourrant et en les enveloppant d’herbes pour la cuisson. Lena frictionna Anton, attendrit son corps dur et glacé comme la pierre, elle goûta au sel marin d’un baiser sur sa nuque et inspecta son crâne nu, ses épaules, son dos et ses cinq bras un à un. Elle redoutait toujours d’y trouver ces mêmes taches qui parsemaient son propre corps depuis des mois et qu’elle avait vues chez tant de pêcheurs promis à une mort certaine, ces taches qui allaient et venaient d’une zone à l’autre de sa peau, qui s’unissaient pour n’en former plus qu’une, se divisaient, se creusaient, s’induraient et saignaient ou changeaient inexplicablement de couleur d’un mois sur l’autre, virant du rose au brun ou inversement. Taches dont Anton était miraculeusement épargné. Au fil du temps, le corps du jeune homme avait même gagné en fermeté, se doublant d’une seconde peau lustrée et vernissée, totalement imberbe et dénuée de pores apparents. (« Anton », nouvelle n°8)
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