Et si je suis si avide de les entendre, ces voix, ce n'est pas pour accomplir un abstrait « devoir » de mémoire, l'expression seule me hérisse, ni afin d'élucider une énigme familiale, mais beaucoup plus simplement, égoïstement aussi, pour être invisiblement accompagnée sur le chemin de la vie. Ce chemin de la vie dont je crois avec ferveur qu'il est moins difficile, une fois enrichi des murmures et des silhouettes, même ordinaires et inconnues, qui peuplent ces lieux où, pour peu qu'on les regarde de tous ses yeux, s'abolissent parfois les frontières du temps. Et c'est ce lien avec ceux qui nous ont précédés, avec ceux qui nous suivront, ce lien mouvant, indestructible, qui ne relève ni de la révérence ni de la nostalgie mais de la vitalité même, que je tente, obstinément, de former.