Salima Bitout

Tout avait été réuni pour que l’instant soit parfait : l’intimité dont nous avions pu jouir sous l’alcôve privée, la balade que nous fîmes sur la plage au clair de lune, nos longuesvconversations sur
des tas de sujets différents, sa gentillesse, sa prévenance, sa politesse envers moi ou toute personne croisant son chemin et son humour que j’appréciais
de plus en plus…
Une fois de plus, la nuit que je
passais avec Rob ne fut comme aucune autre. Tout me sembla parfaitement simple et délicieux.
Pourtant, je savais au fond de moi que tout cela ne mènerait nulle part. Rob était bien trop jeune pour moi.
Je savais que j’étais injuste de
le cantonner à un âge, mais il le fallait. Rien de bon ne sortirait de notre aventure.
C’est pourquoi, même si le réveil
à ses côtés fut moins pénible que ce que j’avais pu imaginer, même si le petit. déjeuner que nous partageâmes, installés confortablement sur sa terrasse
surplombant sa piscine et son et son jardin, fut un moment très agréable, je lui demandai de me ramener chez Sam, en fin de matinée.

L’Amour doit être ce genre de miracle qui ne peut se vivre qu’une seule fois, donc. Moi, je n’y avais pas eu droit. Ni pour de vrai ni pour de faux. Je devais être absente ou en congés, le jour où il aurait dû me surprendre et puis, en plus, j’avais beaucoup déménagé… Complication supplémentaire : j’étais écrivain. Et, je connaissais des vérités ; mes vérités. Il m’arrivait souvent de me poser des tas de questions sur ce phénomène, et encore plus, lorsque je regardais un film classé dans la catégorie Comédie romantique. Ah ! Les comédies romantiques ! Elles sont bénies par nous toutes ! Pourquoi ? Tout simplement, parce que, même si on n’ose pas l’avouer car nous sommes devenues adultes, nous croyons encore aux contes de fées. Et, encore plus inavouable : nous adorons ces instants où l’on nous raconte des belles histoires d’amour. Mais, franchement, comment les femmes peuvent-elles mordre à ça  ? Elles le savent, pourtant : quelle femme digne de ce nom a ayant passé trois heures à se maquiller, à s’habiller et
à se coiffer pour son premier rendez-vous, se mettrait à rire aux éclats et avec
bonheur, si une averse de pluie la surprenait en plein rencard ? Aucune !

Qu’est-ce qu’il m’a pris de tomber amoureuse d’un homme comme toi ? Tu es une torture à toi tout seul ! Bien sûr, que je crève de pouvoir vivre avec toi, ma vie est magnifiquement chamboulée depuis que je te connais ! La dernière fois, quand je t’ai dit que je t’aimais, ça m’a rendue folle ! Tu crois que j’ai aimé tous les hommes que j’ai croisés dans ma vie ? Tu crois qu’il existe des milliers de Rob Alexander dans ce monde ? Eh bien, non ! Il n’y a que toi ! Et toi, tu me dis que c’est moi que tu veux, et c’est tellement incroyable pour moi, tout ça : ce bien-être, quand je suis avec toi, les sentiments partagés, le bon timing dans la réciprocité… Et, ta méthode pour me faire dire ce à quoi j’ose à peine penser, fait que je deviens complètement chèvre ! Alors, dis-moi, qu’est-ce que je fais maintenant, Rob ? Je monte sur la table et je te saute dessus, devant tout le monde ? C’est ça qu’il faut que je fasse pour que tout le monde voie combien je suis amoureuse de toi ? Parce que, ça ne te paraît peut-être pas encore très évident, mais je t’aime  !! Tu as entendu ? Je t’aime, merde ! J’étais à bout de souffle.

Habituellement, lorsque je
rencontrais des lecteurs fidèles, je n’avais pas à jouer la carte du sarcasme. J’aimais rencontrer mon public. J’aimais échanger avec eux, parler d’eux et les écouter me raconter combien mes écrits les amusaient et/ou même parfois, les accompagnaient dans leur solitude.

Mais, en ce qui concernait le garçon parfait, je n’y arrivais pas.

Quelque chose chez lui, dans sa
façon de me parler et de me regarder, me mettait vraiment mal à l’aise.

Sa beauté, peut-être ? Ou le
fait que je me sentais attirée par lui, comme un aimant ?

Mais, qu’est-ce que je raconte ?

— Bonsoir, miss Legrand.

Mon Dieu ! On dirait qu’il
s’adresse à ma mère ! Vas-y, appelle-moi Miss Robinson, tant que tu y es !

— Je me présente, Thomas
Robert Alexander. Enchanté.

Il me tendit sa main que je ne
pris pas la peine de serrer.

Je ne voulais pas toucher sa peau.
Cela aurait fait trop de chocs électriques dans la même soirée, et je ne
voulais pas me… griller.

Gardant mes mains sagement le long
de mon corps, je haussai un sourcil ironique.

La Passion, celle des premiers
instants, celle qui fait qu’on ne se lasse jamais de l’autre, qu’on ne pense qu’à l’autre, qu’on ne vit que pour l’autre…
Mais, combien de temps cela
dure-t-il ?
Demandez à tous ces gens, ce qui
leur est resté après qu’ils aient vécu le grand Amour, et que celui-ci s’en est allé ? La réponse, c’est Rien.
L’Amour, le vrai, toujours sous
réserve d’une existence réelle, devrait au moins avoir la vocation d’être éternel ! Vu l’énormité du mensonge, ce serait la moindre des choses, non ?!
Toute personne pensant qu’elle a
réellement aimé, puis perdu, vous dira qu’elle n’a jamais plus ressenti ce qu’elle a éprouvé la première fois.
Pour beaucoup, le premier amour reste à jamais l’amour de leur vie.
On a beau aimer encore, par la suite, ce n’est jamais plus pareil.

La différence d’âge qui avait été
un sacré bloquant pour moi, s’avérait être si dérisoire,
comparé au bonheur et à la sérénité que je ressentais de me savoir liée à Rob.
Comme l’avait dit ce dernier, l’âge, ce n’est qu’un chiffre. Et, c’est vrai !
C’est pourquoi, l’âge ne doit pas nous empêcher de connaître l’Amour pour la première fois, même si nous n’avons plus vingt ans ! Et surtout, il ne doit pas nous interdire d’être avec la personne qui nous comble le cœur et qui élève notre esprit, sous prétexte que quelques années nous séparent… Parce que l’amour réunit. Il est la source de tellement d’envie et de vie…

Lorsqu’on est jeune et novice, le
fait qu’un homme nous rabâche, à longueur de journées, combien il nous aime, combien
nous sommes belles, cela fait flancher. On se sent aimée, et du coup, on croit aussi aimer.
Mais, quand on est enfin devenue
une femme, ce qu’on veut, ce qui nous fait vibrer, ce n’est pas les cadeaux, les
fleurs, les poèmes et les mots parfumés. Non. Ce qui nous fait vibrer, c’est un homme qui nous désire et qui nous le montre. Un homme capable de nous plaquer
contre un mur et de nous embrasser avec envie, rage et une once de tendresse pour,
malgré tout, ne pas nous effrayer…

« Tout âge porte ses fruits, il faut savoir les cueillir. »

(Raymond Radiguet)

Je n’avais jamais éprouvé ce que
signifiait dans les faits, l’expression voir rouge. Et, lorsque cette
colère sans nom m’envahit toute entière, je me dis que ça ne pouvait être que
ça.

Reposant ma tasse, je m’avançai d’un
pas décidé dans sa direction.

— Eh ! l’interpellai-je
avec colère.

Je n’étais plus qu’à quelques
mètres de ma proie, quand deux bras m’encerclèrent pour m’empêcher de continuer.

— Non, Lisa, murmura Rob en
me tenant fermement dans ses bras. Quoi qu’elle mérite, il ne sortira rien de bon de tout ça. Et, elle n’en vaut vraiment pas la peine…

Ce garçon ne devait pas.avoir plus de trente-deux ans ! Je n’étais pas une adepte du cougarisme, cette mode où les femmes âgées se tapent des petits jeunes consentants… Alors, quoi ?!!
— Et, cette fois ? demanda-t-il
d’une voix douce en se penchant à nouveau vers moi. Toujours rien ?
J’avais l’impression que ce garçon
pouvait lire en moi, comme dans un livre ouvert. Avais-je un visage si expressif ?
Pourquoi personne, jusqu’alors, ne me l’avait fait remarquer, à moi, qui avais toujours pensé qu’aucune émotion ne pouvait se lire sur mes traits ?