_Ah ! mes amis, reprit-il enfin, je rêve d'un monde où le dimanche matin, au lieu de se rendre à la messe, le peuple irait en masse consommer nos produits dont ils n'ont pas vraiment besoin, dans ces nouveaux lieux de cultes. Je veux qu'au siècle prochain, le mythe de la croissance sans fin remplace celui de la vie éternelle aujourd'hui promise par l'Eglise. Un changement d'époque s'accompagne souvent d'un changement de religion. Je veux que le siècle prochain voit le triomphe de la déesse consommation dont le règne permettra à quelques dynasties de se partager les ressources du monde tandis que le plus grand nombre sera l'esclave de ses pulsions consommatrices. Nous ferons croire au peuple que le Salut ne peut venir que de sa capacité à accumuler des biens. L'être humain sera devenu une ressource naturelle que nous modèlerons à notre convenance pendant ses années d'enfance en attendant, par le travail salarié, de lui octroyer le pouvoir, quasi magique, de consommer, ce qui sera le but de sa vie. Ce ne sera pas le bonheur ou l'élévation de l'âme mais la possession de biens qui lui donnera le sentiment de valoir quelque chose.