Un pessimiste pourrait. aussi soutenir que les coquins sont plus nombreux que, les gens honnêtes, et pour la période que nous traversons, ce ne serait pas là une grande hérésie. Elle ferait le pendant de ce paradoxe, énoncé il y a des années à un congrès d'anthropologie criminelle par le professeur Albrechts : il affirmait que l'homme, bien plutôt qu'il ne représente un développement ultérieur à celui du singe, n’en est qu'un descendant dégénéré. Certes au point de vue de la morale, on pourrait douter que l’humanité fût pour soutenir avec avantage la comparaison à une tribu d’anthropoïdes.
Ainsi la fin de l'homme est non pas de vaincre, mais de lutter. La victoire qui le rassure non seulement l'énerve, mais aussi le corrompt. Et plus l'homme a de_ côtés où tourner la tête sans reculer, et plus il défie d’ennemis, et plus le nombre de ceux contre qui il maintient le poste où Dieu et la raison l'ont placé est considérable,_ plus il est grand et fort.
Ce phénomène individuel — comme je disais — se reflète d’une façon collective dans la vie sociale; les minorités ne sont pas seulement toujours la gloire de tout pays mais elles possèdent aussi ce qui manque aux majorités : la violence et l'audace. Dans les domaines de la norme et de l'honnêteté, on peut aisément constater cette vérité.