Il contemple avec fascination cette étagère qui vient recueillir toutes les paroles tues dans le silence de la montagne et qui ressortent ici, suite à une curieuse alchimie, sous forme de papier et de cuir. Ici, les hommes se taisent car dehors, il n'y a pas de place pour la parole. Il n'y a que le vent, le gel, l'immensité des sommets qui imposent un silence brutal, le silence de l'hébétude, dans lequel on peut même rester toute sa vie. Certains restent dans ce silence, lui a dit Gaspard: une fois parvenus au sommet, ils ouvrent la bouche de stupéfaction et leur langue gèle instantanément, les plongeant dans un mutisme que seuls les livres peuvent délier. Car ici, il n'y a pas de place pour la parole, et quand il n'y a pas de place pour la parole,
alors on s'en va crier dans des livres.
Dans ces sarcophages d'encre, le papier vient recueillir la parole impossible.