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Citations de Sofia Amara (7)


En Syrie, et particulièrement à Hama, les souffrances ont l'arrogance, obstinée, de se superposer. De la veuve dormant sur la sépulture de son fils aux morts dont on bombarde les tombes encore béantes, tuant leurs proches venus les enterrer, aux fosses communes déguisées en jardins publics avant de redevenir, obstinées elles aussi, des cimetières de fortune. Les peines s'accumulent, par strates successives, sans parvenir à ensevelir avec elles l'humanité des victimes.
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Je quitte le groupe de militants, partagée entre la stupeur face à des convictions pacifistes aussi inébranlables malgré l'horreur de la répression et la crainte de voir ces idéaux balayés par le caractère ignoble des atrocités commises par le régime. Combien de temps cette inestimable conscience morale tiendra-t-elle face au règne de la terreur ? Sans protection, sans secours immédiat, ne risque-t-elle pas de voler bientôt en éclats ?
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Comme tous les hommes, Ibrahim aime les femmes : mais il les veut engagées, intraitables, prêtes au combat si nécessaire. Mieux, diplômées, cultivées, expertes. Des ingénieures, des institutrices, des obstétriciennes, pour construire avec lui son État, mettre au monde ses sujets et leur inculquer le jihad.

Il aurait lancé un jour : « Cet État n’a pas de futur, s’il ne compte que des hommes. De toute ma vie, je n’ai jamais entendu parler d’un État sans femme. Nous avons besoin de plus de femmes ! » Une lapalissade qui en dit long sur le personnage et sa conception de la gent féminine.

Il trouvera pléthore de candidates, au sein de la population locale et parmi celles qui migreront vers l’État islamique.

L’élite féminine de son califat. (p. 235)
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Hajar est tout ce qui lui reste de lui, affirme-t-elle. Avec quelques souvenirs, ceux d’un père de famille « normal », réservé avec ses femmes, mais très affectueux avec leurs enfants.

Et durant tous nos entretiens, Saja soutiendra ne pas avoir noté, chez son ex-mari la moindre activité suspecte. « Tout ce que je savais de lui c’est qu’il était professeur de théologie, ajoute-t-elle. Il rentrait tous les soirs à la maison, comme n’importe quel autre père de famille. Il donnait des instructions, dînait seul, en silence, et lisait beaucoup. »

Les week-ends, il prenait le temps de nourrir le chat de la maison et s’occupait des enfants de cette famille recomposée. « Il était plus pédagogue que moi avec mes jeunes jumeaux. Il savait y faire avec les petits, sans doute parce qu’il était professeur. »

Saja admet néanmoins qu’Ibrahim n’aimait pas être questionné, et pouvait disparaître plusieurs jours d’affilée, « pour rendre visite à sa famille. »

La jeune femme, dont les proches ont alors presque tous pris les armes contre l’occupant américain, affirme cependant que rien dans le comportement de son mystérieux mari ne laissait supposer qu’il « avait même rejoint la résistance », activité dont il n’aurait pas eu à rougir, précise-t-elle. « Je ne savais même pas qu’il participait à la lutte contre les Américains. J’ignorais que c’était un résistant. »

Pourtant, à cette époque, Ibrahim est déjà bien plus qu’un « simple résistant. » C’est un cadre influent de l’État islamique d’Irak, dont il prendra la tête en 2010, pour proclamer son califat quatre ans plus tard. (p. 212)
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Al-Qaeda a toujours œuvré dans l’ombre, sans entité territoriale ; ce qui présente un avantage majeur : les cellules de la nébuleuse terroriste sont difficiles à localiser, et donc à attaquer.

Ainsi que les chefs jihadistes le font remarquer à Baghdadi lors des discussions : un État doté d’un territoire défini constituerait pour l’ennemi une cible facile.

« Certains [évoquent] cette idée imprudente, mais il faudrait être fou pour proclamer un État à ce stade de la guerre », aurait lancé à ses hommes, avant même l’arrivée de Baghdadi à Kafr Hamra, le maître des cérémonies, pourtant proche d’Ibrahim. Mais ce dernier n’est pas homme à renoncer. Et pour lui, la création d’un jihadistan constituera une force, non une faiblesse.

« Jusqu’ici, les jihadistes se déplaçaient sans [jamais] contrôler leur [zone d’action.] Baghdadi souhaite que les musulmans possèdent leur propre territoire, d’où ils pourraient travailler à la conquête du monde. [Il] réclame des frontières, une population, des institutions et une bureaucratie fonctionnelle. Abou Ahmad résume ainsi son argumentaire : ‘’Si un tel État islamique survit à sa phase initiale, alors il durera toujours’’. »

C’est l’espoir qu’exprimera, avec optimisme, le slogan de l’entité en gestation : « L’État islamique restera. »

De plus, poursuit Baghdadi dans son plaidoyer, « un État pourrait accueillir les musulmans du monde entier [et] attirer des milliers, voire des millions de jihadistes […] comme un aimant. » (pp. 158-159)
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Autour d’un verre de thé, tous se remémorent les anecdotes de jeunesse et les épisodes plus sombres qui ont jalonné leur amitié avec celui qui est désormais l’ennemi public numéro un : les parties de foot, les baignades dans le Tigre, les excursions du week-end en province. Mais aussi la guerre contre l’Iran et l’opération « Tempête du désert », lancée contre l’Irak en janvier 1991 par une coalition internationale sous commandement américain, pour libérer le Koweït envahi par l’armée de Saddam Hussein à l’été 1990.

Omar affirme qu’Ibrahim était encore « quelqu’un de gentil, de sympathique » à cette époque ; un jeune homme agréable, un bon vivant. Mais, progressivement, le Maradona de Tobji se radicalise, et Omar assiste, impuissant, à la « métamorphose » de son ami d’enfance.

« Il s’est replié sur lui-même et est devenu colérique. Il a abandonné le foot, les jeux, la belle vie, pour s’orienter vers la mauvaise voie. Il voulait que tout le monde rentre dans le rang, énumérant pour nous tous les interdits. Pour lui, la vie n’était que souffrance et tout était pêché. Il nous compliquait l’existence. »

Le prosélytisme d’Ibrahim exaspère Omar, qui se souvient encore d’un des premiers épisodes de violence du futur calife.

« Un jour, il y avait un mariage dans le quartier [...] Les hommes et les femmes dansaient ensemble [...] Ibrahim est entré et s’est bagarré avec les invités, sous prétexte que la mixité entre les deux sexes est interdite [...] dans l’islam. Il a fait un scandale alors que les gens faisaient la fête et étaient heureux. Et les mariés étaient cousins. Des gens du quartier. »

En réalité, l’image que se sont faite les anciens camarades d’Ibrahim est incomplète, imprécise. Si leurs souvenirs sont basés sur des faits réels indiscutables, l’interprétation qu’ils en font est partiellement faussée par leur méconnaissance du parcours de l’homme dans sa globalité et sa linéarité.

Ibrahim n’a pas brusquement basculé, par l’effet d’une surprenante métamorphose, ni attendu Tobji pour se laisser imprégner par un islam « ultra orthodoxe ». A Samarra, le gamin timoré imposait déjà aux autres ses opinions religieuses, chaque fois que c’était possible, à l’école comme à la maison et ce, même si les occasions de faire la « police des mœurs » étaient alors limitées et les modèles dominants de sa jeunesse relativement modérés, qu’il s’agisse de son père, de Saddam Hussein, omniprésent chef d’État, de l’imam du quartier ; ou encore du cheikh soufi Hamza-al Issawi, qui aurait été son premier professeur de jurisprudence islamique. (pp. 40-41)
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« A la Goutha, dans la banlieue de Damas, un rebelle m'avait affirmé que, pour « grapiller un peu d'aide saoudienne » et créer sa propre brigade, son frère s'était laissé pousser la barbe et avait commencé à prier »
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