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Citation de Cannetille


Un épisode méconnu de l’histoire roumaine, exactement contemporain du « troc » des juifs et du départ de mes grands-parents, éclaire le rapport incroyablement tordu qu’entretenait la bureaucratie communiste avec le vivant. En 1957, le vice-Premier ministre, Alexandre Moghioros, ordonna que l’on exterminât tous les chevaux de Roumanie. Une boucherie de masse planifiée et mise en œuvre par l’État. Raison invoquée : les chevaux consommaient trop d’avoine, ils privaient le bétail de nourriture. En réalité, ils enfermaient la paysannerie dans des traditions que les communistes jugeaient arriérées. (…)
Par pur délire dogmatique, on élimina ainsi entre 500 000 et 800 000 bêtes. Aucun pays au monde n’a probablement perpétré un tel massacre animal. Or c’est le même gouvernement qui décida de négocier ses juifs, dont ma famille, en échange de bétail et d’équipements mécaniques afin d’accélérer l’exploitation du cheptel national. Les ordres transitèrent par le même ministère de l’Agriculture. Et les deux processus se déroulèrent exactement à la même période : 1958-1965. Vertigineux parallélisme. On tua par centaine de milliers des bêtes inutiles ; on troqua des êtres humains contre des bêtes utiles ; on négocia sans distinction des personnes contre des machines agricoles. Ce régime avait assujetti le vivant aux impératifs du productivisme agricole. Le cheval était exterminé, le juif était commercialisé, le porc roumain avait gagné en performance : il était prêt à l’export.
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