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Citation de enkidu_


Bien entendu, à dater du jour où ce contrôle universel est introduit à Genève, il n’y a plus en fait de vie privée. Conformément à l’opinion de Calvin selon laquelle tout homme est constamment disposé au mal, chacun est considéré d’avance comme suspect de péché et doit par conséquent accepter qu’on le surveille. Toutes les maisons ont soudain leurs portes ouvertes et tous les murs sont en verre. À n’importe quel moment, la nuit comme le jour, le marteau de votre porte peut retentir et un membre de la police ecclésiastique apparaître pour la « visitation » sans que vous puissiez vous y opposer. Pendant des heures – car il est dit dans les ordonnances qu’« il faut prendre le temps nécessaire pour procéder à loisir à l’inspection » –, d’honorables vieillards aux cheveux blancs doivent, tels des écoliers, répondre à une foule de questions, soit que l’on veuille se rendre compte s’ils savent bien leurs prières ou que l’on désire qu’ils expliquent pourquoi ils n’ont pas assisté au dernier prêche de Calvin.

Mais la « visitation » n’est pas du tout terminée avec cela. Cette Gestapo des mœurs fourre son nez partout. Elle s’assure que les robes des femmes ne sont ni trop longues ni trop courtes, qu’elles n’ont pas de ruches superflues ou des jours exagérés, compte les bagues que l’on a aux doigts et les chaussures qui sont dans l’armoire. Du cabinet de toilette elle passe à la salle à manger, pour voir si l’on n’a pas ajouté au seul plat permis une petite soupe ou un morceau de viande, ou si l’on n’a pas caché quelque part des friandises ou de la confiture. Et le pieux policier poursuit son inspection dans toutes les pièces. Il regarde dans la bibliothèque pour savoir si elle ne contient pas de livres ne portant pas le sceau de la censure consistoriale, fouille dans les tiroirs pour voir si par hasard on n’y a pas caché une image sainte ou un chapelet. Il interroge les domestiques pour leur demander des renseignements sur leurs maîtres, les enfants pour qu’ils en donnent sur leurs parents.
(...)
Ces gardiens des mœurs sont partout présents et infatigables : le soir, ils vont et viennent à travers les bosquets obscurs qui bordent le Rhône pour voir s’il ne s’y trouve pas un couple d’amoureux en train d’échanger des baisers. Ils fouillent les lits des auberges et les coffres des voyageurs. Ils ouvrent toutes les lettres qui sortent de Genève, comme celles qui viennent du dehors, et la vigilance admirablement organisée du Consistoire s’étend très loin au-delà des murs de la ville.
(...)
Interdits tous autres vêtements que les plus sobres, d’un caractère presque monacal, interdit par conséquent aux tailleurs de faire des coupes nouvelles sans l’autorisation du Conseil ; défendu aux jeunes filles de porter avant l’âge de quinze ans des robes de soie, et après cet âge des robes de velours, défendus les vêtements brodés d’or et d’argent, les galons, boutons et agrafes dorés, ainsi que, d’une façon générale, tout usage d’objets d’or et de bijoux. Interdits aux hommes les cheveux longs, aux femmes les coiffures savantes, interdits les robes garnies de dentelles, les gants, les souliers ajourés. Interdites les fêtes familiales de plus de vingt personnes, interdit de servir aux fiançailles et aux baptêmes plus qu’un nombre déterminé de plats ou même de sucreries, de fruits confits, etc. Défendu de boire d’autre vin que le vin rouge du pays, défendus les toasts, le gibier, la volaille, les pâtes. Défendu aux époux de se faire des cadeaux à leur mariage ou six mois après. Interdits bien entendu les rapports extraconjugaux, ou avant le mariage.
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