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Citation de enkidu_


Le condamné a écouté frissonnant et tremblant. Dans son angoisse, il se traîne à genoux aux pieds des magistrats et les supplie de lui accorder la faible grâce d’avoir la tête tranchée, « afin que l’excès de la douleur ne le porte pas au désespoir ». S’il avait péché, c’était sans le savoir ; une seule idée l’avait toujours guidé : agir pour la gloire de Dieu. À ce moment, Farel s’avance entre les juges et l’homme agenouillé. Il lui demande à haute voix s’il est prêt à abjurer sa doctrine, qui nie l’existence de la Trinité, et à mériter ainsi la faveur d’une exécution plus clémente. Mais – c’est justement dans ses derniers moments que grandit la valeur morale de cet homme – Servet repousse encore une fois le marché qu’on lui propose, résolu à réaliser sa parole d’autrefois, à savoir qu’il était prêt à tout souffrir pour ses croyances.
(...)
Tandis que les flammes s’élèvent de toutes parts, le patient pousse un cri si terrible que les assistants se détournent un moment en frissonnant. Bientôt le feu et la fumée enveloppent son corps qui se tord de douleur ; mais, de plus en plus déchirants, les hurlements de douleur du martyr s’échappent sans arrêt du brasier qui dévore lentement sa chair pantelante. Enfin, un dernier et fervent appel de détresse : « Jésus, fils du Dieu éternel, aie pitié de moi ! » Cette agonie d’une indescriptible horreur dure une demi-heure. Puis, repues, les flammes s’éteignent, la fumée se disperse, et l’on aperçoit, retenue au poteau noirci par une chaîne incandescente, une masse carbonisée, fumante et informe. Ce qui fut autrefois une créature pensante, passionnément adonnée à la recherche de l’Éternel, une parcelle vivante de l’âme divine, n’est plus qu’un tas horrible, si infect et si répugnant que sa vue eût peut-être fait sentir à Calvin pendant une minute toute la barbarie de son rôle.

Mais où est Calvin en cette heure d’épouvante ? Il a préféré rester dans son cabinet de travail, derrière ses fenêtres bien closes, laissant la charge de l’affreuse besogne au bourreau et à son disciple Farel, plus dur encore que lui. Quand il s’est agi d’accuser, de tourmenter, de traquer ce malheureux « estudiant de la Sainte Escripture » et de l’envoyer au bûcher, Calvin précédait infatigablement tout le monde : à l’heure du supplice, on voit les tortionnaires rétribués, mais pas l’instigateur des tourments. Ce n’est que le dimanche suivant qu’il monte en chaire pour célébrer devant la communauté silencieuse la nécessité, l’équité et la grandeur d’un acte qu’il n’a pas eu le courage de regarder en face.
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