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Citation de DavidG75


Qualifier les échecs de jeu, n’est-ce pas déjà les réduire et commettre une injustice ?

Ne sont-ils pas aussi une science, un art, quelque chose qui plane entre ces deux pôles comme le cercueil de Mahomet entre le ciel et la terre, une incomparable association de tous les contraires ?


Très anciens et pourtant toujours neufs, mécaniques par leur dispositif, mais n’agissant qu’avec le ressort de l’imagination ; à la fois limités à un espace géométrique et figé, et illimités par leurs combinaisons, se développant sans cesse et pourtant stériles ; une réflexion qui ne mène à rien, une mathématique qui ne calcule rien, un art qui ne crée pas d’œuvres, une architecture sans matière, mais dont l’être et l’existence sont incontestablement plus durables que tous les livres et toutes les œuvres , le seul jeu qui appartienne à tous les peuples et à toutes les époques, et dont nul ne sait quel dieu l’a apporté sur terre pour tuer l’ennui, pour aiguiser l’esprit, pour stimuler l’âme.

Où commence-t-il, où finit-il ?

Tout enfant peut en apprendre les premières règles, tout butor peut s’y essayer ; et pourtant, dans les limites de cet étroit et invariable carré, ce jeu est capable d’engendrer une espèce singulière de maîtres, absolument incomparables [...]

J’avais admis depuis toujours le principe qu’un jeu aussi incomparable et aussi génial devait nécessairement générer des matadors spécifiques ; mais comme il était difficile, et même impossible, d’imaginer la vie d’un être intelligent et vif pour qui le monde se réduit à un étroit parcours entre le noir et le blanc, et dont toute la vie consiste à chercher le triomphe à partir des seules allées et venues, des seuls déplacements d’avant en arrière de trente-deux pièces ; quelqu’un pour qui une nouvelle ouverture, par exemple en choisissant le cavalier plutôt que le pion, représentait déjà une prouesse et une minuscule portion d’immortalité, quelque part dans un livre sur les échecs ; un être dont l’esprit est capable, sans devenir fou, de concentrer toutes ses réflexions pendant dix, vingt, trente, quarante ans d’affilée sur un but ridicule : acculer un roi de bois dans un angle sur une planche de bois !
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