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Citation de ZahraAroussi


Le cœur prophétique d’Hôlderlin sait exactement que c’est l’heure de la chute du soleil, de son propre crépuscule et de la fin prochaine. Mélancoliquement, il n’a plus songé qu’à sa jeunesse : « Enfin tu t’éteins, ô ma jeunesse » — et la fraîcheur du soir souffle tristement à travers sa poésie.

J’ai peu vécu, Et pourtant c’est la froideur du soir que déjà
Je respire. Et, muet, je suis ici déjà
Pareil aux ombres ; et déjà, impuissant à chanter,
Mon cœur douloureux s’endort dans ma poitrine.


Son aile est brisée et lui, qui ne vit véritablement qu’en plein vol, dans l’élan poétique, ne trouve plus son équilibre. C’est maintenant qu’il doit expier la faute de ne s’être pas occupé « seulement de la surface de l’être », mais « d’avoir livré à l’action destructrice de la réalité toute son âme, dans l’amour, comme dans le travail ». L’éclat, l’auréole du génie a fui son front ; il se recroqueville anxieusement en lui-même, pour se cacher devant les hommes, dont la fréquentation lui cause une douleur presque physique. Plus faiblit l’énergie dont il dispose pour se contenir, plus se manifeste l’action du Démon qui fait vibrer ses nerfs. Peu à peu la sensibilité d’Hôlderlin prend un caractère maladif et les élans de son âme deviennent des transports physiques. La moindre chose peut l’irriter et briser l’humilité voulue qu’il a mise autour de lui comme une cuirasse protectrice ; partout, sa sensibilité exacerbée de poète vaincu croit voir « des offenses et le poids du mépris ». De même son corps réagit de plus en plus fortement, par des dépressions et des emportements, aux moindres changements atmosphériques : ce qui à l’origine n’était qu’une « sainte insatisfaction » de l’esprit est maintenant un malaise neurasthénique de tout son être, une crise et une catastrophe nerveuses. Ses gestes deviennent toujours plus capricieux et son humeur toujours plus impulsive et, déjà, son œil, qui naguère était si clair, commence à vaciller avec inquiétude, au-dessus de ses joues affaissées. Continuellement l’incendie s’étend sur tout son être ; le Démon de l’agitation et de la confusion, le sombre esprit de cette flamme a de plus en plus de prise sur sa victime ; c’est « une inquiétude étourdissante » qui « s’accumule autour de son âme », et qui le pousse d’un extrême à l’autre, de l’ardeur à la froideur, de l’extase au désespoir, d’une allégresse divine à la plus noire mélancolie, de pays en pays et de ville en ville.
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