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Citation de cocomilady


"1. La maison de Constance
Le panier de vivres sur ses épaules, Zina lutta contre l’envie de le poser à terre et chasser d’un revers de main la transpiration de son front. Les bras tétanisés, elle redoutait de ne plus réussir à le soulever. Tenaillée par la soif, elle raffermit sa prise, elle n’était plus très loin. Devant, le sentier s’écartait de la rive nord du canyon, hors des baraquements de la ville. Celui-ci grimpait à l’assaut du flanc montagneux parsemé de buissons flétris, avant de bifurquer une vingtaine de perches en contrebas vers la maison de la Maîtresse. À cette distance de Pyros, les propriétés nobles étaient rares, surtout lorsque l’on y accédait le long d’un terrain en dévers aux abords de la faille, où les irrégularités du relief avaient failli piéger Zina à de nombreuses reprises. Deux grandes bâtisses mitoyennes édifiées en quinconce, l’une surélevée par rapport à l’autre, formaient la propriété. Leurs murs peints à la chaux réfléchissaient l’éclat du soleil. Au travers du voile trouble de chaleur on apercevait sur la terrasse de la maison nord l’éventail photonique ; une sorte de toiture partielle, faite d’un assemblage de feuilles de métal aux reflets changeants. Grâce à la lumière du jour, le trésor technologique hérité des ancêtres captait l’énergie des étoiles, une fierté que la Maîtresse était parvenue à conserver quand son fils avait repris de force l’exploitation minière, lors de la mort du Maître.

Après le petit abri de la maison aux esprits, lieu de culte édifié par les propriétaires désireux d’être bien vus – ceux-ci se moquaient bien des mendiants ou voyageurs égarés –, le chemin rejoignit le porche. Dire que derrière se trouvaient fraîcheur, banquettes moelleuses et à l’étage un bain ! Zina appartenait à la majorité des immigrés de Pyros : hormis de rares ablutions, l’eau était trop précieuse pour se laver, il fallait se frotter le corps au moyen d’une pierre ponce jusqu’à ce que celui-ci devienne rougi, débarrassé de la crasse et des peaux mortes. Une épreuve nécessaire afin de prévenir les maladies.

Oubliant toute idée de franchir l’entrée (interdite au personnel), la servante descendit les marches qui contournaient la maison sud, celle la plus proche de la faille. Les escaliers de service permettaient d’accéder à l’arrière de la propriété par l’extérieur, l’on pouvait ainsi s’entretuer dehors, mourir de soif ou d’épuisement à cultiver en vain des plantes rabougries sans importuner l’occupante des lieux. Encore quelques pas à longer la ronde à l’ombre des murs et la pauvre mule se débarrasserait enfin de son fardeau. Sauf que l’ascenseur était à nouveau encombré. Le dernier, ou plutôt la dernière à s’en être servi, y avait laissé deux jarres de grande taille, les cordages de maintien étalés négligemment au sol.

« Je me suis dit que tu les monterais en revenant de l’agora, ça ne te dérange pas, ma belle ? »

Zina releva la tête, autant que le panier contre sa nuque le lui permit. Donya l’observait, accoudée au rebord de la terrasse. Pourquoi la Maîtresse gardait celle-là à son service demeurait un mystère, vu qu’il s’agissait d’une citoyenne affranchie de ses trois années de service obligatoire. Certes la plupart des jeunes filles se retrouvaient ensuite mariées de force à l’un de leurs employeurs, mais au moins, elles se voyaient remettre le bracelet des citoyens, la garde les exemptait de la taxe de rationnement. En tant que métèque, contrainte de payer son eau, Zina ne posséderait jamais le précieux sésame, peu importait le nombre d’années de servitude accomplies. Quand bien même la Maîtresse déciderait de la libérer, elle devrait servir quelqu’un de pire qui exigerait d’en faire une esclave au premier signe de désobéissance. Ou alors elle finirait à la rue, sa mère s’y trouvait déjà."
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