Nous sommes arrivés au Château des millions d’années en fin d’après-midi. Le lieu ressemble à l’idée que je m’en faisais : un vaste cirque entouré par de hautes falaises s’élevant à pic vers le ciel ; des cheminées de fée s’accrochent au flanc des rochers, tantôt isolées, tantôt imbriquées les unes aux autres, telles des sentinelles montant la garde sur le chemin de ronde d’une forteresse aux proportions titanesques. Les cimes des montagnes cernant la vallée sont couvertes de neige ; quand on regarde depuis les rives du Petit Zab, elles semblent vous dominer de leur masse imposante, sombres, inquiétantes. Les nuages gris renforcent cette sensation oppressante d’écrasement : nous sommes au fond d’un cul de basse-fosse, scrutés par les dieux qui nous contemplent du haut du ciel et se gaussent de nos entreprises tout en réfléchissant au sort qu’ils nous réservent – seront-ils magnanimes, ou déchaîneront-ils leur colère sur nos têtes ?
Rien ne bouge alentour. Pas de végétation. Pas âme qui vive. (p. 284.)