Voilà trois ans que je n’ai pas fait l’amour. Et parfois mon corps se tend de désir. C’est douloureux. Je me regarde alors dans le petit miroir posé sur le meuble de ma chambre. Je ne vois que des petits bouts de moi. Mes fesses, mes cuisses, mon ventre plat, mes seins. Et je me dis que c’est du gaspillage. Que ce corps pourrait encore servir, pourrait satisfaire un homme, stimuler l’imagination d’une femme. La solitude vole la tendresse. C’est ça le plus dur. Je pourrais sortir, trouver quelqu’un et faire l’amour comme ça. Mais ce type de rencontre n’est pas satisfaisant. Car on peut vous faire l’amour sans vous caresser et sans vous embrasser. Du coup, après, on se sent totalement minable. Alors, autant serrer les dents ou se servir d’un jouet à pile. Les sex toys ! Une véritable révolution pour moi.
Toutes mes belles résolutions, ma promesse d’abstinence, toutes mes certitudes sur la maîtrise de mes désirs, je les oublie. Le désir entre mes cuisses est plus fort que le plus puissant des ouragans. Rien ne lui résiste à cet instant, et la moindre caresse devient une bourrasque de plaisir. Il sera bien temps après de faire les comptes et de voir si ce moment est à classer dans la rubrique regret ou dans la rubrique remords.
Prisonnière de ma vie sans intérêt du moment, j’ai eu besoin de me stimuler en voyant des indices là où il n’y en avait pas. Des preuves d’événements terribles, alors que ce carnet rose n’est qu’un brouillon de je ne sais quoi.
Je me suis habituée à l’odeur. La forte odeur d’alcool qui imprègne chaque mur et chaque lame de parquet. C’est lorsque l’on entre que l’odeur nous agrippe à la gorge. Elle est parfois masquée, un court, très court instant par une note plus épicée, plus forte. Une illusion olfactive qui s’évanouit vite, qui s’efface devant la toute-puissance du houblon. Je me suis donc habituée à l’odeur. Mais je me fais quand même la remarque au vu de la brochette de poivrots accoudés au bar, que ça doit sacrément empester !
Ah ! la psychologie ! Un fantasme ! Je me suis toujours dit que si je n’avais pas fait journaliste, j’aurais aimé étudier la psychologie, pour décrypter l’âme humaine. Et du coup je fais le ménage chez une future psychothérapeute.
Fouiller ce n’est pas correct. Mais ça m’est bien égal. Quand on fait mon boulot, il y a ces petites compensations qui n’ont pas de prix. Voilà trois ans que je brique sans relâche les intérieurs des autres.
Je veux garder la tête froide, et bien manger est le secret anti gueule de bois ; la mesure aussi, c’est vrai. Le meilleur remède pour ne pas avoir mal à la tête le lendemain c’est évidemment l’abstinence.
Les armes font bon ménage avec la crise, il faut croire. Plus c’est difficile dehors, et plus on se protège.