Comment une toute petite erreur peut-elle se transformer ainsi en une finale aussi cauchemardesque et tragique?
Amina Debbane incarnait le meilleur de deux mondes. Elle était Américaine et avait l’air d’une parfaite Arabe. Cheveux noirs et lisses, teint doré, lèvres généreuses sur des dents éclatantes, yeux bruns aux cils épais.
Au cours de leur première rencontre, elle lui avait dit avec son adorable accent américain qu’elle était née aux États-Unis de parents palestiniens, originaires d’Égypte. Elle avait discuté presque essentiellement de politique étrangère. La question palestinienne semblait beaucoup la préoccuper. Il n’avait pas vraiment été attentif à ce qu’elle racontait, il n’écoutait que le son de sa voix. Et quand elle s’était enflammée en parlant de l’Organisation pour une Palestine libre, l’OPL, il avait cru un instant que les yeux d’Amina brillaient pour lui.
Maintenant qu’elle lui redonnait enfin sa liberté, pourquoi s’en offusquait-il? C’était bien elle qui recommençait à zéro, qui n’avait rien, pas un seul meuble ni bijou de valeur, pas de plan financier, pas d’économies ni de placements, pas de contrat de mariage, pas d’enfant ni de patrimoine familial à partager. De quel coin obscur de son âme trouvait-il ce ton vindicatif?
C’était si simple. Tourner la clé, appuyer sur l’accélérateur et ne plus revenir. À l’autre bout de ces voyages imaginaires, il y avait un petit logement en solitaire dans une ville inconnue. La destination n’avait pas d’importance. Seul le départ comptait. La fuite. La coupure nette et irréversible. Puis l’apaisement qu’apporte la distance.
J’ai eu juste des femmes de même, des relations hygiéniques si on peut dire. J’ai jamais voulu m’engager avec quelqu’un d’autre. J’aimais mieux rêver que je la retrouvais et qu’on reprenait là où on avait laissé notre histoire.
Devant les doutes que tout cela lui inspirait, elle avait choisi une stratégie simple: faire comme si de rien n’était jusqu’au garage, récupérer son auto au plus vite et reprendre la route. Couper au plus court.